Livre

Les Fleurs du mal

Par Guillaume Morel · L'ŒIL

Le 1 octobre 2005 - 475 mots

Après La Légende dorée de Jacques de Voragine ou La Divine Comédie de Dante, les Voyages en Italie de Stendhal ou Les Métamorphoses d’Ovide, Diane de Selliers publie cet automne Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, nouveau volume d’une collection dédiée aux grands textes littéraires illustrés par la peinture. Comme toujours, la qualité est au rendez-vous pour ce livre qui confronte l’œuvre du poète – le texte intégral des Fleurs du mal, édition de 1861, auquel s’ajoutent les Épaves (1866) et quelques poèmes jugés scandaleux publiés dans l’édition posthume de 1868 – avec des œuvres d’artistes de la seconde moitié du XIXe siècle, symbolistes et décadents. Cent soixante-quatre poèmes sont réunis, illustrés par cent quatre-vingt-cinq peintures, dessins, lithographies, aquarelles et pastels de la main de quatre-vingt-cinq artistes. Proche des écrivains (apprécié de Victor Hugo, de Gustave Flaubert) et des artistes, Baudelaire a laissé, outre son œuvre poétique, d’importants textes critiques. Le poète s’intéresse à la peinture des xviie et xviiie siècles, à Rubens, Rembrandt, Watteau ou Goya (il leur rend hommage dans son poème Les Phares) et se plaît à défendre des artistes décriés, comme Courbet, Delacroix – qu’il considère comme « le chef de l’école moderne » –, Manet ou Cézanne.

Les fleurons de l’art décadent
Centrée sur la seconde moitié du XIXe siècle, l’iconographie retenue pour cet ouvrage correspond pleinement à l’univers désenchanté de Baudelaire, entre solitude et mélancolie, fantastique et mysticisme, plaisir et sensualité. Nul mieux que Félicien Rops – « le seul véritable artiste que j’ai trouvé en Belgique », affirmera l’écrivain – caractérise cette esthétique décadente, où la mort, la prostitution, le vice occupent le premier plan. Rops dit avoir « allégé la tristesse » de Baudelaire, lorsque celui-ci se réfugie en Belgique en 1864, fuyant Paris, ses dettes et ses tourments. L’artiste occupe donc dans ce livre une place particulière. Page après page, le lecteur découvrira d’autres fleurons de la peinture fin de siècle, parmi lesquels La Femme au boa noir de Toulouse-Lautrec face à La Muse vénale ; le peu connu Vitrail d’Odilon Redon en regard du Mauvais Moine ; un délicat Eugène Carrière, Femme nue couchée, illustrant L’Aube spirituelle. Aux côtés d’artistes dont les images viennent naturellement à l’esprit lorsque l’on évoque Baudelaire – Ensor, Munch, Moreau, Burne-Jones… –, d’autres surprennent davantage (Rodin pour Le serpent qui danse ; l’Amour de Klimt accompagnant Le Vin des amants) et offrent de belles découvertes. Il en est ainsi de Franz von Stuck et de son ténébreux Baiser du Sphinx illustrant, entre noir profond et rouge sang, les vers de Chanson d’après-midi ; de La Rue de Jules Adler en parfaite résonance avec la mélancolie brumeuse de Spleen.
Et ce ne sont là que quelques exemples de cette enivrante « danse macabre » orchestrée par Diane de Selliers, à laquelle se livrent ici le texte et l’image.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal illustrées par la peinture symboliste et décadente, Diane de Selliers, 472 p., 185 ill., 190 euros jusqu’au 31 janvier 2006, 230 euros ensuite.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°573 du 1 octobre 2005, avec le titre suivant : Les Fleurs du mal

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