Un musée Bourdelle, côté jardin

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 1 octobre 2005 - 493 mots

Au gré des allées fraîchement tracées lors de la réhabilitation du jardin-musée départemental Bourdelle d’Égreville, on se prend à être candide et à se dire qu’il doit être bon de « cultiver son jardin ».

Légué en 2002 au Conseil général par Rhodia Dufet-Bourdelle, fille défunte de l’artiste, le jardin-musée de Bourdelle, ardemment souhaité par cette dernière et son époux, le décorateur Michel Dufet, est loin d’être le musée « bis » de son prestigieux frère aîné…
Après avoir œuvré à la mise en valeur de l’institution parisienne qui, en pleine effervescence montparnassienne, s’articule aujourd’hui autour des anciens ateliers préservés de Bourdelle et dresse un panorama presque exhaustif de son œuvre sculpté, le couple Dufet-Bourdelle acquit cette maison de villégiature et son précieux jardin, afin de l’agrémenter de pièces majeures de l’artiste, savamment élues. Artisan audacieux de cette entreprise d’envergure de 1966 jusqu’à 1985, date de son décès, Michel Dufet, improvisé alors paysagiste, s’ingénia à élaborer des correspondances entre le jardin et les sculptures de son beau-père, dont il fut l’un des plus fervents promoteurs. Aussi, bordures, pelouses, allées, arbres, essences contribuent-elles à faire de ce lieu un environnement végétal varié et bigarré qui héberge cinq-six pièces notoires, parmi lesquelles les portraits de Beethoven, Daumier, Carpeaux, Rodin ou encore le noble Fruit ou la saisissante statue équestre du Monument au général Alvear.

Des résonances entre le végétal et le bronze
Peuplé de ces hôtes de bronze immuables, le jardin est une partition savante où un conifère élancé répond à la verticalité d’une sculpture, une pelouse vierge à la solitude de Pénélope, un ensemble floral discret à la confidentialité d’un portrait. On se surprend à trouver des résonances entre le végétal et le bronze, à voir en l’un l’écho de l’autre, à mêler nos sens dans une envoûtante synesthésie : les sculptures embaument et les fleurs ont des allures d’éternité.
Car il s’agit bien de temps, et de mémoire, à Égreville. Le temps d’observer Bourdelle autrement et ailleurs, de le redécouvrir, voire de le découvrir. Le temps des saisons également qui, dans leur transition, permettront – et comment ne pas penser à Monet ? – de voir une œuvre sous des modulations de lumière et de végétation subtilement différentes, d’en décliner les possibilités inépuisables. La mémoire, enfin. Celle de Michel Dufet, l’un des plus grands décorateurs de sa génération, mais aussi et surtout de Rhodia Bourdelle, dont l’Amourette, dans le bâtiment principal, nous rappelle combien l’œuvre de son père, qu’elle en ait été le modèle ou la zélatrice, lui doit une partie de ses lettres de noblesse.
À Égreville, non loin des grandes forêts domaniales, une sélection pertinente de sculptures de Bourdelle, dans une atmosphère verdoyante « Art déco » héritée des jardins à la française, peut nous apprendre, si besoin est, qu’une scénographie, loin des jeux parfois convenus des cimaises et des projecteurs artificiels, peut aussi gagner à n’être que cela : végétale.

Jardin-musée départemental Bourdelle, ÉGREVILLE (77), 1 rue Dufet, Le Coudray, tél. 01 64 78 51 10, 4 juin-30 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°573 du 1 octobre 2005, avec le titre suivant : Un musée Bourdelle, côté jardin

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