Jean Bazaine, la peinture au fil de l’eau

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 décembre 2005 - 499 mots

Fasciné par le mouvement, le flux et le reflux, Jean Bazaine a particulièrement travaillé sur le thème de l’eau. La mer est un sujet que l’on retrouve tout au long de sa vie.

« Bazaine a besoin de la durée », écrivait en 1945 son ami et poète André Frénaud. Le thème de l’eau n’est-il pas – quoique paradoxalement – le plus approprié à lui permettre de rendre cette durée ? S’il est la métaphore du temps qui s’écoule, il est aussi celle du temps immuable, du temps sans cesse renouvelé. À l’inventaire considérable des œuvres qui y réfèrent figure dès 1943, parmi les toutes premières, un tableau intitulé Couple au bord de l’eau le soir. Tout y est incandescence et embrasement dans une figuration sans repère qui mêle indistinctement l’humain et l’aquatique comme il en est d’une vision enflammée qu’irradie le soleil au couchant.
Puissamment structuré, le tableau de Bazaine n’en est pas moins d’une fluidité de touche qui l’emporte à la dérive noyant notre regard dans l’ocre brûlant de la peinture.
Quelque quatorze ans plus tard, l’œuvre du peintre s’enrichit d’une vue de la mer du Nord – Zeeland, 1957 – d’une tout autre trempe. Quelque chose d’éclaté, voire de déchaîné, y est à l’œuvre, comme s’il était question d’un mouvement furieux et répété. Celui de la mer, assurément.

Le peintre face à la mer
Vingt-sept ans plus tard, on trouve encore et toujours ce thème de l’eau. Jamais le peintre ne l’a abandonné, jamais il n’a quitté le peintre. Plongée est une œuvre datée de 1984. Elle est tout en effusion tricolore et la touche qui semble simplement affleurer la toile livre une image radieuse et enjouée. Il y a là un bonheur et une joie simples. Et l’on se laisse emporter par les flots sans savoir même où ils vont nous conduire.
Il faut avoir rendu visite au peintre à Saint-Guénolé, en Bretagne, dans cette petite et humble maison de pêcheur, sise face à la mer, où il aimait à se retirer pour comprendre quel dialogue il était à même d’entretenir avec elle. Pour comprendre à quel ressourcement il se rendait et de quelle nécessité intérieure relevait ce rendez-vous qu’il s’appliquait à ce qu’il soit le plus fréquent possible.
Naturel, le thème de l’eau l’est éminemment. Naturel et consubstantiel à toute nature humaine. Pour Bazaine, toutefois, il l’était de la peinture même et curieusement de la capacité de celle-ci à l’incarné. C’est bien là tout le sublime paradoxe du peintre, et de sa peinture.

Biographie

1904 Naissance de Jean Bazaine à Paris. 1922 Licencié en Lettres à la Sorbonne, il entre aux Beaux-Arts où il s’intéresse d'abord à la sculpture. 1924 Il se consacre entièrement à la peinture. 1932 Première exposition personnelle à la galerie Van Leer. 1941 Il organise l’exposition « Vingt jeunes peintres de tradition française » à l'origine de la nouvelle école de Paris. 1958 Réalisation de mosaïques pour le bâtiment de l’Unesco à Paris. 1987 Décor de la station de métro Cluny. 2001 Décès à Clamart.

Autour de l’exposition

Informations pratiques L’exposition « Jean Bazaine, l’eau » regroupe une centaine d’œuvres, elle se déroule du 19 novembre au 22 janvier, du mardi au dimanche de 14 h 30 à 17 h 30, fermé les jours fériés. Tarifs : 4,60 et 2,30 €. Musée de l'Abbaye Sainte-Croix, rue de Verdun, Sables d'Olonne (85), tél. 02 51 32 01 16.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°575 du 1 décembre 2005, avec le titre suivant : Jean Bazaine, la peinture au fil de l’eau

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