Le regard malicieux des jeunes artistes sur l’Inde millénaire

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 décembre 2005 - 324 mots

Un canapé et un lustre, un salon idéal (Ideal Living), entièrement recouverts de perles de culture synthétiques, telle est l’esthétique de la saturation particulièrement appréciée par la petite bourgeoisie indienne fière d’étaler sa nouvelle richesse. 

Une classe moyenne passée au scalpel de l’humour et de la surenchère de Krishnaraj Chonat qui n’a pas hésité à jouer la carte du kitsch. L’artiste dévoile l’arrière d’un sofa très bas de gamme en contreplaqué et souligne la vulgarité de l’accumulation. Une donnée clé du tableau de N. S. Harsha, Mass Marriage, alignement de frises rythmées et colorées. Les mariages de masse sont malheureusement une réalité pour une grande partie de la classe très moyenne indienne, sujet grave de ce tableau pourtant loufoque. Cette toile accentue la répétition des couples avec irrévérence en alignant une jeune mariée hébétée avec un benêt, un couple d’ânes portant le collier des mariés en fleurs fraîches, des époux ravis assis devant les emblèmes architecturaux européens, tours de Londres, Pise, Eiffel, Stonehenge. L’analyse de Harsha se joue du fourmillement, de la masse, des codes de la miniature indienne pour composer des ensembles.

Face à l’Inde industrielle
La globalisation, Navin Thomas la prend pour cible dans The Cluster Bomb Game. Pour cet artiste
qui aime capturer l’essence des villes par leurs sons, c’est en observant l’industrie des centres d’appels téléphoniques qu’il a pensé à cette installation sonore accompagnée d’un buste mi-homme mi-oiseau. Perruche et corbeau, les deux volatiles, sont, dans la mythologie indienne, des bavards impénitents. La métaphore est limpide et trouve un écho particulier dans l’Inde industrielle contemporaine. Il s’y déroule des conversations stéréotypées et récitées par cœur par de jeunes Indiens formés pour parler avec l’accent ad hoc à des clients occidentaux. Une communication calibrée poussée tous les jours à l’absurde par la mondialisation.
C’est une comédie douce-amère que joue Sonia Khurana, nue, potelée. Une performance (Bird) sur l’ambiguïté des critères de beauté, entre la tradition de l’embonpoint et une modernité plus… affinée.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°575 du 1 décembre 2005, avec le titre suivant : Le regard malicieux des jeunes artistes sur l’Inde millénaire

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