Un laboratoire pour les artistes en devenir

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 décembre 2005 - 447 mots

La collection Phillips a été l’un des creusets par lequel les artistes européens ont influencé l’art américain.”ˆAvant que l’expressionnisme abstrait n’inverse les rôles.

Avant d’affirmer leur propre identité artistique, les Américains ont longtemps regardé du côté de l’art européen. Si la tendance au réalisme qui caractérise la production outre-Atlantique du xixe siècle acquiert une notoriété internationale au xxe avec le « précisionnisme » et des artistes comme Sheeler, Demuth ou Hopper, l’influence qu’exerça l’impressionnisme auprès des artistes américains a été considérable. Non dans l’application des mêmes procédés mais dans une synthèse opérée avec d’autres tendances comme l’abstraction et l’expressionnisme.
En ce domaine, les exemples de Monet, de Van Gogh, de Cézanne et de Kandinsky agirent en profondeur dans la mise en œuvre d’une nouvelle esthétique qui allait permettre aux artistes américains de se distinguer des modèles européens.

L’exemple européen
En matière d’influence, une collection comme celle de Duncan Phillips a joué un rôle déterminant dans la connaissance de l’art européen qu’ont pu avoir certains artistes américains. D’autant que dès 1920, la Phillips Memorial Art Gallery étant constituée en société, l’intention de son fondateur a été très claire : « Il s’agit, écrira-t-il plus tard, de concevoir un petit musée intimiste montrant ce qu’il y a de mieux dans l’art mondial et d’autre part de créer un laboratoire où des artistes vivants, en constante évolution, puissent montrer le résultat de leurs recherches et de leurs aventures esthétiques. » En posant ainsi pour principe de faire de sa collection tout à la fois un « musée » et un « laboratoire », Phillips adhérait à l’idée originelle du musée comme lieu d’éducation du regard et du goût. Pleinement pionnière aux États-Unis, son attitude procède de la conscience qu’il fallait proposer aux artistes en devenir des exemples de ce qui se faisait alors.
La façon dont Phillips Duncan choisit de constituer sa collection repose sur une démarche altruiste, le collectionneur s’appliquant à construire comme un panthéon de la modernité plutôt que de se faire simplement plaisir. D’une initiative qui aurait pu rester privée, il se fait un devoir public d’offrir à ses compatriotes tout un lot de modèles. Ingres et Delacroix, le réalisme avec Corot et Courbet, les impressionnistes, Gauguin et le fauvisme, Cézanne et le cubisme, l’expressionnisme, l’abstraction…, Duncan Phillips est attentif à réunir et à donner à voir un florilège du meilleur de ce qui est dans l’art moderne.

L’irruption des Américains
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’avènement de l’expressionnisme abstrait à travers l’école dite « de New York » en est l’une des conséquences les plus magistrales. Représentée par Jackson Pollock et Willem de Kooning, elle l’est dans la collection de Duncan Phillips par des artistes comme Sam Francis, Richard Diebenkorn ou Clyfford Still.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°575 du 1 décembre 2005, avec le titre suivant : Un laboratoire pour les artistes en devenir

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