Sarkis, passion Issenheim

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 janvier 2006 - 408 mots

Invités à marquer de l’empreinte de leurs doigts à l’aide d’aquarelle jaune la façade vitrée du Frac Alsace, les visiteurs de la dernière Biennale d’art contemporain de Sélestat s’en sont donné à cœur joie. Ce faisant, ils répondaient à la demande de Sarkis, aujourd’hui hôte de l’institution alsacienne, qui souhaitait anticiper sur la mise en œuvre de sa triple exposition.
Ce sont trois lieux que Sarkis investit à Sélestat donc, le Frac et la chapelle Saint-Quirin ; à Colmar, le musée d’Unterlinden.
Conçue comme un parcours, l’exposition de Sarkis trouve son fondement dans la fascination qu’exerce sur lui le retable d’Issenheim peint par Matthias Grünewald entre 1505 et 1516 et conservé à Colmar. La puissance expressive de la couleur alliée à la force symbolique du thème –  la crucifixion – a toujours été une source d’inspiration intarissable pour l’artiste. Il y puise un émoi sublime et existentiel.
D’origine turque, installé à Paris depuis plus de 40 ans, Sarkis est familier de l’Alsace. Une dizaine d’années durant, il a enseigné à l’École nationale des arts décoratifs de Strasbourg. Son art qui en appelle au métissage des pratiques et des cultures dans un souci de dialogue et d’échange vise à créer une esthétique nomade et altruiste.
Peinture, sculpture, installation, projection sont les vecteurs plastiques d’une démarche portée par l’idée que, comme le dit l’artiste, « ma mémoire est ma patrie ». Tout s’y décline dans un perpétuel ressourcement de sa propre histoire.
« Au commencement le toucher », tel est le titre générique que Sarkis a donné à ses trois expositions. Au Frac, en écho aux empreintes sur les vitres, l’artiste a accroché une centaine d’aquarelles réalisées « au toucher » dans l’eau et y a créé un atelier pour initier les enfants à cette technique. À Saint-Quirin, l’installation musicale et lumineuse aux « Six suites pour violoncelle » de Bach réintroduit dans cette chapelle désaffectée une dimension sacrée.
À Colmar, près du retable, Sarkis a conçu une installation vidéo du corps fragmenté du Christ qui est une invitation « à le suivre dans son expérience de sensations ». Tout comme il en est d’une série d’aquarelles, réalisées dans les années 1990 sur les mains du messie. Autant de moments forts qui disent la qualité de résonance de l’œuvre de Grünewald dans le cœur et l’esprit de Sarkis.

« Sarkis », Frac Alsace, 1 espace Estève et chapelle Saint-Quirin, Sélestat (67), tél. 03 88 58 87 55 ; musée, 1 rue Unterlinden, Colmar (68), tél. 03 89 20 15 50. Jusqu’au 5 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°576 du 1 janvier 2006, avec le titre suivant : Sarkis, passion Issenheim

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