Brésil/Afrique : des dieux identiques aux attributs différents

Par Laure Meyer · L'ŒIL

Le 1 janvier 2006 - 552 mots

Parmi les divinités « importées » au Brésil par les esclaves africains, figurent un maître des éclairs, un dieu paillard, un devin guérisseur et un dieu de la végétation et de la médecine.

La tradition yoruba du Nigeria est celle qui se révèle la plus riche au plan plastique. Ainsi sur la photo prise par Bauer Sá, en 1992 Xangô’s eyes, l’homme tient devant son visage un objet composé de deux trapèzes, allusion au bâton de danse oshe Shango des Yoruba du Nigeria. Dans le passé, le panthéon yoruba comptait de nombreuses divinités, les orisha, parmi lesquelles Shango (Xango) qui était maître des éclairs et du tonnerre, et connu pour sa violence. Il arrivait souvent qu’un orage mette à nu de la terre une hache néolithique en pierre polie que l’on croyait lancée par Shango. C’est cet objet qui est évoqué au sommet des bâtons de danse pour les rites consacrés à cette divinité.
Le motif de l’oshe Shango se perpétue dans plusieurs œuvres exposées, un bâton de danse yoruba du Nigeria, un bâton de danse du Brésil et une sculpture de Jorge dos Anjos, Sans titre (2004). Le culte à Shango dans le candomblé brésilien étant un culte à transes, il est probable aussi que la forme en deux parties symétriques du bâton de danse corresponde au dédoublement de la personnalité lors de la possession.

Après Shango, voici Eshu
Autre figure du panthéon yoruba, Eshu (Exu) a lui aussi traversé l’Atlantique. En Afrique il n’était que le messager des dieux, prêt à jouer des mauvais tours, sorte de divinité de second ordre. Au Brésil il est devenu un diable, ses attributs sont en fer. Dieu paillard, il profère des obscénités ou des menaces.
Il figure sous cet aspect inquiétant dans une sculpture du brésilien Chico Augusto, Farpados-Prole (1990). C’est bien la tête noire d’Eshu qui figure en haut de ces « corps » étroitement ligotés dans du fil de fer barbelé qui apparaissent comme des damnés révoltés et impuissants mais terriblement menaçants.

Des oiseaux de bon augure
Pour connaître l’avenir et les risques de maladie, les habitants du Nigeria pratiquaient le culte de l’Ifá consistant à jeter de petits objets sur un plateau spécial. Selon la disposition de ces objets, le devin annonçait l’issue d’un problème.
Ce devin, le babalawo, était aussi le guérisseur. On le croyait capable de contacter Òsanyìn, le dieu de la médecine, également dieu de la végétation dont on tirait les remèdes. Le babalawo avait pour insigne une canne en fer surmontée d’oiseaux. Dans l’ancien Nigeria, l’oiseau, symbole d’autorité, figurait au sommet des couronnes royales.
Au Brésil, Òsanyìn est devenu Ossaim, toujours considéré comme dieu de la végétation et de la médecine par les adeptes du candomblé. Pour ce culte, il existe des fers d’Ossaim : sculptures formées d’une tige surmontée de plusieurs branches et d’un oiseau vers lequel grimpent sinueusement un ou deux serpents. La forêt africaine reste très présente dans l’inconscient collectif.

Autour de l’exposition

Informations pratiques L’exposition « Brésil, l’héritage africain » regroupe près d’une centaine d’œuvres de diverses collections dont certaines, venues du Brésil, sont présentées pour la première fois en Europe. Jusqu’au 26 mars, tous les jours sauf le mardi, de 11 h à 19 h. Tarifs : 6 € et 3 €. Musée Dapper, 35 rue Paul Valéry, Paris XVIe, tél. 01 45 00 91 75, www.dapper.com.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°576 du 1 janvier 2006, avec le titre suivant : Brésil/Afrique : des dieux identiques aux attributs différents

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