La donation Delaunay

La modernité en couleur

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 janvier 2006 - 414 mots

Elle, c’est Sonia ; lui, c’est Robert, on les appelle « les » Delaunay. Tous deux sont nés en 1885, elle originaire d’Ukraine, lui de Paris ; il est mort en 1941, elle en 1979. Mariés en 1910, ils ont mené chacun une œuvre formellement distincte mais communément placée sous le signe de la couleur.
S’ils ont été d’abord sensibles à l’effervescence fauve qui agitait le siècle naissant, Sonia et Robert Delaunay ont très vite imposé un style propre, d’inspiration cosmique, appuyé par un traitement
coloré volontiers lyrique. Proches des cubistes, ils ont nourri le mouvement porté par Braque et Picasso d’une qualité singulière qu’a célébrée en son temps Guillaume Apollinaire en désignant leur art du mot d’« orphisme ».
Figures majeures de « l’esprit moderne », les Delaunay ont surtout accompli une œuvre attentive à l’idée de progrès et aux grandes inventions techniques, grandement ouverte à tous les secteurs de la création : théâtre, danse, cinéma, mode, littérature… La ville, l’avion, l’électricité, le chemin de fer y sont les thèmes de toutes sortes de compositions fondées sur les notions génériques de dynamisme et de rythme.
Quoique fondamentalement différentes, résolument abstraites chez l’une, plutôt narratives chez l’autre, leurs œuvres offrent comme une illustration vive et enjouée du monde contemporain.
L’exposition de la donation Delaunay – quelque 49 œuvres de lui et 58 d’elle – que Sonia et son fils Charles ont consentie en 1963 au Musée national d’art moderne est l’occasion de (re)prendre toute la mesure d’une production polymorphe. Thèmes et techniques y sont mêlés pour une création innovante. « Je me méfie des classifications et des systèmes », disait Sonia qui n’a cessé toute sa vie de multiplier peintures, panneaux décoratifs, objets, tapis, tapisseries… tandis que Robert déclinait Fenêtres, Contrastes simultanés, Disques et Formes circulaires quand il n’enflammait pas de lumière colorée par ses vitraux l’église Saint-Séverin.
Émotion et intuition, mais aussi théorie et écrit, sont les ingrédients d’une démarche pleinement partagée que les Delaunay ont toujours voulue résolument en phase avec leur temps. Du Bal Bullier, à Montparnasse, Sonia a brossé en 1913 une peinture de quatre mètres de long, un immense écran scandé par le tressage joyeux des couleurs-lumières.
À l’Exposition internationale de 1937, les quatre reliefs de Robert ornant la Porte du Palais des chemins de fer constituent comme le testament spirituel d’une modernité pareillement hanté par la lumière et la couleur.

« La donation Sonia et Charles Delaunay », Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne, galerie de l’atelier Brancusi, Paris IVe, tél. 01 44 78 12 33, jusqu’au 13 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°576 du 1 janvier 2006, avec le titre suivant : La donation Delaunay

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