Raymond Hains

Le dernier des Mohicans

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 janvier 2006 - 518 mots

Il mourut le vendredi/ le dernier jour de son âge/ s’il fût mort le samedi/ il eut vécu davantage. » Décédé le vendredi 28 octobre 2005, l’artiste Raymond Hains n’aurait pas désavoué cette phrase célèbre de monsieur de la Palice. Car ce créateur, dont l’esprit emprunte aussi bien aux calembours du marquis de Bièvre qu’au Parti pris des choses de Francis Ponge, aimait les bons mots. Une de ses galeristes, Iris Clert l’avait même baptisé le « roi du calembour métaphysique ».
Né à Saint-Brieuc en 1926, Raymond Hains rencontre en 1945 son complice de toujours, Jacques de La Villéglé, aux Beaux-Arts de Rennes. Il pratique la photographie, d’abord comme photoreporter, avant de se lancer dans les photos « hypnagogiques », obtenues à partir d’un objectif cannelé fragmentant la réalité. Avec une technique similaire, il réalise avec Villeglé entre 1950 et 1955 un film abstrait baptisé Pénélope.
Vient l’ère des affiches lacérées, de préférence politiques, qu’il collecte dans les rues parisiennes. Ces dernières offrent d’ailleurs une variante presque clés en main à l’éclatement de la réalité qu’il recherchait. En 1960, il suit l’appel du critique d’art Pierre Restany et signe la déclaration constitutive des Nouveaux Réalistes avec Arman, Yves Klein ou encore Jean Tinguely.

Les premiers Mackintoshages
Bien que l’esprit néodada infuse ses affiches déchirées, ses pochettes d’allumettes géantes fabriquées vers 1964-1965 l’associe davantage au Pop Art. Un terme que lui-même désavoue. En 1964, il expose une boîte d’allumettes géante à la galerie del leone à Venise, reprenant sur la pochette la fable de l’âne vêtu de la peau de lion. L’année suivante, il invente, lors d’une exposition chez Iris Clert, les noms d’artistes Saffa et Seita, clin d’œil aux régies italienne et française de tabac. En prise sur son temps, il produit en 1997 ses premiers Mackintoshages, dans lesquels plusieurs fenêtres se juxtaposent sur un tableau imprimé sur tôle. Le Centre Pompidou lui rendra hommage en 2001.

Artiste armoricain
Si le nom de Jean-Pierre Raynaud est associé à son pot ou celui de Klein au fameux bleu éponyme, Hains s’est refusé à devenir une « abstraction personnifiée ». Pétrie d’humour et d’érudition, son œuvre est riche et complexe. En s’appelant lui-même « artiste armoricain et non américain », son mordant n’épargnait pas les institutions, lesquelles tendent à favoriser les artistes étrangers.
Les gestes artistiques de Hains étaient dénués de toute stratégie mercantile. La critique d’art Claude Rivière rapportait en 1959 dans la revue Combat les propos de Hains lors d’un colloque  : « Je n’ai jamais rien vendu… Mais je suis prêt à débiter des kilomètres de palissades. Il me semble que l’heure est venue de les convertir en francs lourds.  Nous allons vendre les affiches lacérées comme on vend des tapis d’Orient : c’est le point noué du paysan à Paris. » Le marché, il s’en moquait tellement qu’il avait produit en 2000, au moment du Printemps de Cahors, des pièces en chocolat baptisées Raymondines. Du Hains tout craché !

Biographie

1926 Naissance à Saint-Brieuc. 1946 Premières photos abstraites. 1949 Premières affiches lacérées. 1960 Signe le manifeste des Nouveaux Réalistes avec Arman, César, Yves Klein et Niki de Saint Phalle. 2001 Grande rétrospective au Centre Pompidou. 2005 Décès le 28 octobre à Paris.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°576 du 1 janvier 2006, avec le titre suivant : Raymond Hains

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