Triennale - Art contemporain

Pantagruel, ou quand l’absurde fait loi : visite guidée de la Triennale

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 février 2006 - 345 mots

«Le rire est le propre de l’homme », disait Rabelais par l’entremise de Gargantua. C’est aussi l’une des clefs de la Triennale avec le grotesque, l’absurde, l’impertinence. Shannon Plumb, jeune Américaine, a concocté des publicités et des jeux Olympiques satiriques. Ses films en noir et blanc ont la texture des chefs-d’œuvre de Chaplin : les gags se veulent pathétiques et drôles, la jeune femme enchaînant tous les rôles avec un minimum de moyens. Plumb incarne une des voies de cette Triennale : l’hommage décomplexé rendu aux grands maîtres avec des bouts de ficelle.
Le Mexicain Yoshua Okon reformule la performance de 1974 de Beuys I like America and America likes me, dans laquelle l’artiste s’était enfermé dans une cage avec un coyote sauvage. Dans le film Coyoteria, un acteur en costume cravate jouant l’animal, apprivoise un homme enroulé dans une couverture et armé d’une matraque en guise de canne. L’œuvre icône est désacralisée et rejouée dans l’absurdité, relativisant le culte voué à Beuys par les artistes contemporains.
L’Israélienne Tamy Ben-Tor se déguise devant sa caméra, Hans Schabus creuse le sol de son studio et débouche sur le réseau de galeries souterraines de Vienne dans une vidéo baptisée… Astronaute ! Christelle Lheureux et le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul confrontent dans une double projection deux enfants qui lancent des défis au personnage d’un second écran qui s’exécute à un rythme d’enfer. Le support vidéo est bien l’outil de prédilection pour capter des situations performatives.
Mais il arrive que l’artiste se donne en chair et en os à l’image de Tom Johnson qui, tous les jours de novembre à février, s’installe dans sa sculpture pour incarner véritablement une œuvre d’art public. Dans la cour du Castello di Rivoli, il offre sa tête sur un plateau, son corps enchâssé dans le pied métallique qui sert de socle à un grand carré d’aluminium d’où dépasse son visage. L’Américain en profite pour établir un dialogue avec les passants.
À mi-chemin entre une situation de vidéo embusquée et une sculpture sociale, Johnson incarne un jusqu’au-boutisme inutile et héroïque caractéristique de la production artistique de ces dernières années.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°577 du 1 février 2006, avec le titre suivant : Pantagruel, ou quand l’absurde fait loi : visite guidée de la Triennale

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque