Art moderne

Edvard Munch, l'émotion de toute une vie

Par Anouchka Roggeman · L'ŒIL

Le 1 mars 2006 - 730 mots

Artiste malade et tourmenté, Edvard Munch fut l’un des premiers à peindre si violemment son angoisse existentielle. Son langage unique marque l’avènement de l’expressionnisme.

Ma décision est arrêtée : je serai peintre », note le jeune Norvégien Edvard Munch (1863-1944) à l’âge de 17 ans. Bravant les inquiétudes de son père, médecin militaire à Oslo, il décide alors d’interrompre ses études d’ingénieur pour suivre les cours de dessin de la capitale. Depuis la mort de sa mère alors qu’il n’a que 5 ans, cet enfant chétif et tuberculeux dessine et peint sans relâche, encouragé par sa tante qui s’occupe à présent de la maisonnée et des cinq enfants.
Corrigé un temps par Christian Krogh, le plus grand peintre naturaliste norvégien, Edvard Munch marque très vite une coupure radicale avec la stylistique de son temps.
Profondément touché par la mort de sa sœur alors qu’elle n’avait que 15 ans, il réalise des portraits d’elle qui traduisent toute l’angoisse du peintre, au détriment de nombreux détails réalistes. Très critiquée dès les premières expositions, et comparée à un « barbouillage infâme », l’œuvre du jeune peintre contient déjà les germes de son génie. Stimulé par sa rencontre avec les anarchistes révolutionnaires de la bohème de Christiana, qui prônent plus d’individualisme, Munch entreprend, en 1884, de « peindre sa vie ». Pendant 30 ans, il travaillera sur la Frise de la vie – une série de tableaux sur les thèmes de la mort, de l’angoisse et de l’amour – parmi lesquels figurent ses plus belles créations.
À la suite d’une exposition à Oslo, le peintre reçoit une bourse, renouvelée trois années de suite, pour se rendre à Paris. Là, il côtoie Léon Bonnat et visite les expositions où les œuvres de Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Monet, Pissarro et Whistler ont la vedette. Après une courte période impressionniste et pointilliste, Munch s’oriente vers un art inspiré du synthétisme et du symbolisme.

Le scandale Munch
En 1892, une exposition des œuvres de Munch à Berlin scandalise la presse et le public : une semaine plus tard l’exposition ferme ses portes et l’affaire fait grand bruit. Cependant ce « scandale Munch » profite au peintre qui devient célèbre à 29 ans. Dans cette ambiance fertile, Munch s’installe un temps à Berlin où il peint Le Cri (1893) et La Madone (1894).
De retour à Paris en 1896, le peintre délaisse un temps la peinture pour s’orienter vers les arts graphiques. Il réalise des eaux-fortes, des lithographies en couleur, des gravures sur bois et des illustrations dans le style Art nouveau. Là encore, le peintre excelle et réalise des œuvres avant-gardistes et uniques.
Dix après le scandale de Berlin, alors que Munch expose enfin l’intégralité de sa Frise de la vie dans la capitale allemande, sa santé mentale se fragilise. Sa rupture douloureuse avec son amante Tulla Larsen ne fait que l’aggraver.
Au paroxysme de la crise, il choisit de rester 10 mois dans une clinique spécialisée de Copenhague où encore, il continue à peindre.

Une reconnaissance tardive
Munch verra peu à peu les honneurs se multiplier. En 1912, il expose ses toiles à côté de celles de Van Gogh, de Gauguin et de Cézanne.
Peu après, il remporte les concours pour décorer de ses fresques l’université et l’hôtel de ville d’Oslo. Partout en Europe, les expositions de son travail s’enchaînent et deux grandes rétrospectives sont organisées en 1927 à Berlin et Oslo.
Perdant partiellement la vue à partir de 1930 suite à la rupture d’un vaisseau sanguin, Munch termine sa vie dans une solitude relative.
Pendant l’invasion allemande, lorsque les nazis menacèrent de saisir sa propriété et son « art dégénéré », il refusa tout contact avec eux, craignant pour ses « enfants », c’est-à-dire ses peintures. Il meurt d’une pneumonie en 1944, à l’âge de 81 ans.
Dans son testament, il lègue l’intégralité de ses œuvres à la ville d’Oslo, qui ouvrira quelques années plus tard le musée Munch.

Biographie

1863 Naissance à Lyten, en Norvège.

 

1868 Les décès de sa mère et de sa sœur sont à l’origine de son angoisse.

 

1869 Il entre à l’École des beaux-arts d’Oslo.

 

1885 La connotation morbide de ses tableaux au Salon d’automne d’Oslo suscite l’indignation.

 

1889 Munch est à Paris. Il se lie avec Gauguin, subit l’influence des impressionnistes.

 

1892 Il part pour Berlin. 1908 Dépression.

 

1937 Les nazis vendent ses œuvres exposées dans les musées allemands.

 

1944 Âgé de 81 ans, Munch meurt seul.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°578 du 1 mars 2006, avec le titre suivant : Edvard Munch

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque