Hans Bellmer

Le corps impossible

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 mars 2006 - 360 mots

Écrivain, photographe et dessinateur, Hans Bellmer a bâti une œuvre dérangeante traversée par un érotisme glacé, amoral et brutal. Il a pourtant mené une vie d’esthète pudique.

Chez Hans Bellmer, une érotomanie et même une perversité indiscutables se doublaient d’une gravité et d’une espèce d’innocence », écrit André Pieyre de Mandiargues, compagnon de littérature érotique. Hans Bellmer (1902-1975) anticonformiste secret, amateur de femmes, de fillettes et de mises en scène méchantes. Hans Bellmer, grand ordonnateur des mécanismes du corps ou brillant tyran névrotique. Hans Bellmer érotomane si pervers et si pur. Ainsi se fixe sa singularité trouble.
La légende s’amorce dès 1902. Il naît dans une maison bourgeoise et cultivée, tourmentée par la dureté du père et adoré par une mère avec laquelle il partage secrètement le goût du jeu et du travestissement. À Berlin, il apprend le dessin industriel, la géométrie mais rompt bien vite avec les instructions paternelles pour fréquenter le cercle dada. Lorsqu’en 1933, viennent les nazis, il cesse toute activité potentiellement utile au pouvoir et s’emploie à la confection et à la manipulation de sa première poupée photographiée dès 1934.
La légende s’accélère. Ursula sa jeune cousine, complice, dit-on, de jeux libertins, présenterait les premières variations autour de la poupée au bureau de la revue Minotaure à Paris. Qui les publie et les adopte immédiatement, en décembre 1934, fascinant Eluard et Breton. Voilà Bellmer poinçonné surréaliste et ramené dans son giron parisien en 1938 avant que la guerre ne repousse le ressortissant allemand jusqu’au camp des Milles, dans lequel il retrouvera Max Ernst.

Une œuvre compulsive
Dans le sillage du groupe surréaliste, l’œuvre de Bellmer trouve abri au sortir de la guerre. Il illustre Histoire de l’œil de Bataille, agrandit ses formats, tiédit bientôt la crudité de ses dessins à la demande des galeristes, tout en poursuivant une œuvre compulsive poussée à son extrême.
Avec Nora Mitrani, les anagrammes font échos aux dislocations charnelles des dessins. Mais c’est avec Unica Zürn, compagne des 15 dernières années, que les jeux anatomiques, de cordes, de chair et de ligotages se sophistiqueront, jusqu’à son suicide en 1970. Le décès d’Unica laisse Bellmer malade, épuisé, solitaire, mais toujours à la tâche.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°578 du 1 mars 2006, avec le titre suivant : Hans Bellmer

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