Mouans-Sartoux dévoile les arcanes du multiple

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 avril 2006 - 360 mots

Dans un magnifique château du XVIe siècle, l’Espace de l’art concret tente de percer les secrets du multiple à travers un panorama de l’art de la fin des années 1950 à nos jours.

Mélange débridé d’objets et d’images, l’exposition de l’EAC à Mouans-Sartoux aligne un singulier parcours. Une drôle de liste aux accents de Boris Vian où vaisselle, DVD, livres, stickers, mobilier, objets industriels, jeux, sérigraphies, photos, tee-shirts et éditions cohabitent sans complexe.

Peintres en série
La faute à ce diable de multiple qui se dérobe et joue de la souplesse de sa nature. Signés, conçus dans la forme ou dans l’idée par Daniel Spoerri, Olivier Mosset, Sol LeWitt, Paul Cox, Martial Raysse, Julio Le Parc ou Claude Closky, de tels objets occupent pleinement le territoire de l’art. Et d’en découdre avec lui. Mais il n’en fut pas toujours ainsi.
Avant que l’objet manufacturé ne fasse irruption dans l’art, avant de s’imposer dans le sillage de Duchamp, avant d’en assumer les enjeux idéologiques dans les années soixante, avant que Warhol, Oldenburg, Manzoni ou Klein n’en intègrent la reproductibilité, avant que cette reproductibilité ne bouscule de fond en comble la donne de l’histoire, avant d’imposer – non sans provocation – son autonomie, le multiple se maintient sagement à l’ombre de la pièce unique.

Un produit de consommation
Le XIXe siècle a persisté à faire du multiple une déclinaison de l’original, un objet défini par sa reproductibilité. C’est au XXe siècle qu’il revient de redéfinir son mode opératoire et ses enjeux.
Dans les années soixante, le multiple obéit et révèle les stratégies des artistes. Il peut rendre l’art accessible au plus grand nombre. Par son mode de production, il peut à la fois s’inviter dans le salon des classes moyennes, créer un nouveau marché et, dans la foulée, constituer une attaque en règle contre ce même marché. S’il désacralise la main de l’artiste et l’unicité de l’œuvre, il effectue la même opération sur sa valeur marchande.
Miroir précis et bavard de l’histoire sociale, politique et artistique, le multiple a gagné sa place. Multiplier l’œuvre, c’est mettre à mal toute forme de sacralisation. C’est encore élargir la pratique de l’art. Et de son histoire.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°579 du 1 avril 2006, avec le titre suivant : Mouans-Sartoux dévoile les arcanes du multiple

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