Rousseau : une vie de vrai-faux naïf

L'ŒIL

Le 1 avril 2006 - 833 mots

Copiste au Louvre, employé de l’octroi Porte de Vanves, écrivain... Entre deux indélicatesses, Rousseau trouve véritablement son salut en 1885, année de son irruption dans l’histoire de la peinture.

Henri Julien Félix Rousseau naît le 21 mai 1844 à Laval, chef-lieu de la Mayenne, d’une famille de la petite bourgeoisie. À la suite d’un petit larcin chez son premier employeur, en 1863, il entreprend, pour racheter sa conduite, sept années de service militaire.

Premier Salon en 1886
En 1868, Henri Rousseau s’installe définitivement à Paris, devient clerc chez un huissier et épouse Clémence Boitard, qui lui donne plusieurs enfants. Seule leur fille Julia Clémence survivra. Au titre de soutien de veuve (son père meurt en 1868), Rousseau n’est pas mobilisé durant la guerre de 1870, contre la Prusse. Il devient employé de l’octroi à la Porte de Vanves en 1871, métier qui explique son surnom de « douanier » Rousseau.
Ses débuts en peinture sont mal connus. S’il obtient en 1884 un permis de copiste pour les musées du Louvre et du Luxembourg, Rousseau écrit que « ce ne fut donc qu’en l’année 1885 qu’il fit ses débuts dans l’art après bien des déboires ». Il se plaît à raconter les encouragements accordés par ceux qu’il considère comme les grands maîtres académiques de l’époque, Jean-Léon Gérôme et Félix-Auguste Clément. En 1886, Rousseau expose au Salon des Indépendants, non loin de La Grande Jatte de Georges Seurat. Il devient un exposant régulier et attendu de ce salon, souvent pour recevoir les railleries de la critique qui juge sa peinture « primitive ».
Installé dans son premier atelier, impasse du Maine, dans le XIVe arrondissement, Henri Rousseau voit sa femme Clémence mourir en 1888. L’année suivante, Rousseau visite l’Exposition universelle à Paris. L’effervescence de cette manifestation lui inspire une pièce de vaudeville, Une Visite à l’exposition de 1889, redécouverte par Tristan Tzara dans les années 1940. Il écrit la même année une deuxième pièce, La Vengeance d’une orpheline russe que le théâtre du Châtelet lui refuse.
En 1891, Rousseau peint sa première Jungle – Tigre surpris par un orage tropical. Surpris ! – ; exposée au Salon des Indépendants, l’œuvre retient l’attention du peintre Félix Vallotton, rare voix élogieuse parmi les quolibets. Rousseau ne renoue avec les tableaux de Jungle qu’en 1904, genre dont l’exotisme et le traitement du sujet achèvent de le rendre inclassable. 

Ses fauves parmi les « fauves »
En 1893, Henri Rousseau prend une retraite précoce de son métier d’employé d’octroi et se consacre entièrement à la peinture. Il rencontre Alfred Jarry, de vingt-neuf ans son cadet, puis réalise le portrait de l’écrivain. Jarry publie dans sa revue L’Ymagier, une lithographie de Rousseau, première et seule tentative du peintre dans cette technique. Intitulée La Guerre, elle est gravée par l’artiste, d’après la peinture du même nom exposée au Salon des Indépendants de 1894.
Dans les années 1890, le Douanier Rousseau envoie ses œuvres avec régularité au Salon et tente de vendre son travail aux instances officielles ; il écrit ainsi, mais en vain, au maire de Laval pour lui proposer l’acquisition de La Bohémienne endormie, datée de 1897.
Rousseau se marie à nouveau en 1899 avec Joséphine Noury, qui meurt quatre ans plus tard. Ce deuil inaugure une période d’endettement auprès de son marchand de couleurs et de toiles. Il parvient cependant à gagner un peu d’argent grâce aux cours de musique et de peinture qu’il donne. En 1905,
Rousseau participe au Salon d’Automne où naissent les « fauves » regroupés autour de Henri Matisse.

Prison avec sursis
D’abord réticent à son art, Guillaume Apollinaire rencontre le Douanier par l’intermédiaire de Jarry et devient l’un de ses plus ardents défenseurs. En 1907, Rousseau est entraîné malgré lui dans une escroquerie qui lui coûte deux ans de prison avec sursis. Durant le procès, sa naïveté est invoquée par la défense, et les réactions du peintre face au président du tribunal confirment ce jugement.  En 1908, Apollinaire et Picasso organisent un banquet en son honneur. Les acheteurs du Douanier Rousseau se font plus nombreux : le peintre Robert Delaunay est l’ami des dernières années et possédera une vingtaine d’œuvres.
Henri Rousseau meurt dans l’isolement, le 2 septembre 1910, d’une infection mal soignée à la jambe. Pourtant, sa notoriété va grandissante ; quelques mois avant sa mort, il disait à l’écrivain italien Ardengo Soffici : « De tous côtés, j’ai des commandes et je me vois forcé de vous faire attendre. »

Autour de l’exposition

Informations pratiques « Le Douanier Rousseau, Jungles à Paris », se tient aux Galeries nationales du Grand Palais, du 15 mars au 19 juin 2006. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 20 h, le mercredi de 10 h à 22 h. Fermé le 1er mai. Entrée sur réservation : tarif plein 11,30 € ; tarif réduit 9,30 €. Entrée sans réservation : tarif plein 10 € ; tarif réduit 8 €. Galeries nationales du Grand Palais, entrée square Jean-Perrin, 75008 Paris. Tél. : 01 44 13 17 30.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°579 du 1 avril 2006, avec le titre suivant : Rousseau : une vie de vrai-faux naïf

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