Gravité et désenchantement

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 28 août 2007 - 388 mots

À mi-parcours d’une séquence européenne exceptionnelle pour l’art contemporain qui a commencé avec la Biennale de Venise pour se terminer à la Fiac, peut-on dresser un premier bilan ? L’exercice est malaisé et d’une certaine façon vain tant les attentes des uns et des autres sont différentes. Les marchands et collectionneurs sont à la recherche de la future star du marché, les critiques d’art voudraient bien repérer des tendances, le public veut être séduit ou ému.
Pourtant, un désenchantement général semble flotter sur Venise et Kassel. Cela tient d’abord à ce que de plus en plus d’œuvres racontent les malheurs du monde. Rien de neuf, me direz-vous, car l’une des fonctions de l’art n’est-elle pas de décrire le monde ? Certes, mais il semble que non seulement certains artistes ne voient que la face obscure de notre pauvre planète, mais, qu’en plus, ce pessimisme limite leurs inventions plastiques. L’emploi d’installations austères, de photos et vidéos réalistes, voire même de documents d’archives, déplace le curseur de la création vers le journalisme. Aussi, à la fin de la journée, cette accumulation de misère pèse sur le moral.
À cela s’ajoute une absence fréquente d’humour. Pourtant l’humour ne nuit pas au message, bien au contraire. On sait bien que l’œil perd son acuité face aux torrents d’images télévisuelles, pour le coup bien réelles. L’alternative devient alors : surenchère ou humour.
La mondialisation (eh oui ! encore et toujours) a aussi quelque chose à voir dans ce sentiment de déception. La mondialisation ou plutôt l’un de ses effets, l’uniformisation. Bien sûr, depuis ses origines l’art se nourrit d’influences étrangères. Mais aujourd’hui l’art contemporain, malgré son inventivité formelle, tend à gommer les particularités régionales si ce n’est dans son iconographie qui reste spécifique. L’exemple chinois en est une preuve.

Reste enfin une possible explication : l’art actuel est une promesse. Une promesse d’originalité forcenée, de renouvellement constant, de création toujours plus surprenante. Les promesses créent des attentes. Or la déception est d’autant plus forte que les attentes sont élevées. Il conviendrait donc de réétalonner ses attentes. Voilà une sage recommandation au moment où s’ouvre la Biennale de Lyon, suivie de peu par la Fiac.
La Fiac ? une foire ! Oui, car les foires sont aussi des lieux d’exposition, peut-être même ceux où les artistes réservent leurs meilleures pièces, celles qui séduisent. Il y a peut-être là une autre raison.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°594 du 1 septembre 2007, avec le titre suivant : Gravité et désenchantement

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