Noir c’est noir...

Une autre lecture de l'art

L'ŒIL

Le 1 mai 2006 - 402 mots

Si chacune des couleurs a sa valeur symbolique, le noir est certainement l’une des plus fascinantes et des plus passionnantes, par tout ce qu’elle sous-tend. Noir de la mort, de la nuit. Noir du désespoir et de la folie. Noir du mal et de la mélancolie. En nos sociétés, dans la théologie comme en philosophie, le noir renvoie à des idées négatives. En peinture, le noir a également son histoire. Gérard-Georges Lemaire a choisi d’écrire celle-ci, de la préhistoire à nos jours. Un vaste et passionnant sujet traité dans un ouvrage brillant, par la précision de l’analyse des œuvres et le choix iconographique.
Dans une approche chronologique qui suit les principaux mouvements et artistes de l’art occidental, l’auteur propose une lecture originale de l’histoire de l’art. Une histoire forcément parcellaire, puisque le noir n’a pas la même importance selon les époques. Au Moyen Âge, par exemple, son usage se résume aux fonds neutres des portraits.
Les peintres de la Renaissance privilégient les tons chauds et lumineux. Il faut attendre le maniérisme et le baroque pour que le noir devienne un moyen d’expression à part entière et un enjeu dramatique de la peinture. Caravage, Rembrandt ou le mystérieux duo d’artistes Monsù Desiderio comptent parmi les plus éminents représentants de ce nouvel usage du noir au « Siècle d’or ».
Si le XVIIIe marque ensuite nettement un retour à la couleur claire et aux harmonies douces, notamment dans la peinture française, on peut néanmoins s’étonner que l’auteur le passe quasiment sous silence, à l’exception d’une double page consacrée aux gravures et dessins de Piranèse.

Le noir comme reflet de l’âme
Le XIXe siècle est assurément le second grand siècle du noir. Les scènes d’histoire, le romantisme de Friedrich, la peinture sombre de Goya, Courbet ou  Manet comptent parmi les exemples retenus dans ce livre. Les symbolistes (Redon, Rops, Bocklin…), certains artistes comme Spilliaert ou Munch trouveront dans le noir, au tournant du siècle, le moyen d’exprimer en peinture les reflets de l’âme et de ses tourments.
Gérard-Georges Lemaire se penche ensuite sur le xxe siècle, à travers des œuvres de Soutine, Bacon, Picasso dans sa période la plus sombre, celle de Guernica. Sans oublier Malevitch et Mondrian, qui useront du noir de façon radicale, repoussant les limites de la peinture. Twombly, Kiefer ou Soulages referment ce bel ouvrage, que l’on imaginerait volontiers donner lieu à une exposition.

Gérard-Georges Lemaire, Le Noir, Hazan, 256 p., 50 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°580 du 1 mai 2006, avec le titre suivant : Noir c’est noir...

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