Hubert Robert

Par Marie Maertens · L'ŒIL

Le 1 mai 2006 - 1058 mots

« Ruines antiques. Jeunes filles devant une statue de l’Abondance ». Exposée à Lyon, cette toile contient tous les ingrédients de celui que l’on surnommait « Robert des Ruines ».

Né en 1733, Hubert Robert séjourne à Rome de 1754 à 1765. Onze années durant lesquelles il arpente la ville et ses environs avec ses carnets de croquis.
Il rapportera d’Italie plus de 1 200 études qui vont lui servir tout au long de sa carrière et en faire le peintre d’architecture français le plus célèbre du XVIIIe siècle.

Son goût pour l’antique le conduisit à la « ruine »
À son arrivée à Rome, Hubert Robert découvre une ville où l’Antiquité, très présente et habitée par le petit peuple, voisine avec la Renaissance.
S’il montre immédiatement un goût pour les jardins et les monuments romains, il est aussi fasciné par Piranèse et Pannini, deux maîtres italiens du traitement de l’espace et de la perspective, spécialisés dans les scénographies romaines. Il sera d’ailleurs l’élève de Pannini et, plus tard, collectionneur de ses paysages urbains.
Cet intérêt pour le paysage et l’Antiquité s’inscrit dans un courant « ruiniste » propre au XVIIIe siècle. Mais la particularité d’Hubert Robert, et ce qui a contribué à sa célébrité, est d’y avoir ajouté un caractère sentimental et décoratif.
Ses vues de ruines antiques sont d’ailleurs plus ou moins imaginaires, élaborées à partir d’éléments réels ou inventées puis recomposées à sa guise. Par exemple, ce tableau Ruines antiques. Jeunes filles devant une statue de l’Abondance, date de 1779 et a été conçu dans son atelier bien après son retour de Rome.
Cette nouvelle conception du paysage rompt avec les paysages du xviie siècle, dans lesquels dieux et autres personnages issus des Métamorphoses d’Ovide habitaient des jardins arcadiens. Au XVIIIe siècle, bergers et lavandières font leur apparition. La pastorale naît, imprégnée des théories de Jean-Jacques Rousseau.

Une archéologie champêtre fantaisiste
Ruines antiques. Jeunes filles devant une statue de l’Abondance est caractéristique des paysages de fantaisie, mêlant ruines et personnages, qu’Hubert Robert a produit tout au long de sa carrière.
Les ruines n’ont pas ici pour vocation première de délivrer une leçon morale, notamment sur le temps qui passe ou la mort, à l’instar d’une vanité, ou encore d’éveiller une nostalgie de l’Antiquité. Traités avant tout pour leurs qualités proprement pittoresques, le temple et les personnages se fondent dans une nature luxuriante et colorée.
Hubert Robert offre l’image d’un univers idyllique, à l’effet décoratif. De retour à Paris, il va exploiter le « trésor de ses promenades », comme il le notait, jusqu’à la fin de sa carrière. De la même manière, il va s’intéresser aux bâtiments vernaculaires et connaître un vif succès dans les différents salons, notamment avec la série des Vues des monuments antiques de la France.

Le groupe de jeunes filles
L’amour du pittoresque
Les figures rustiques aux vêtements chamarrés, qui rehaussent les couleurs froides du tableau, animent le paysage de leurs attitudes familières.
Le petit peuple est toujours très présent chez Hubert Robert. Lavandières, jeunes mères discutant ou paysans rentrant le foin, chacun vaque à son occupation quotidienne, indifférent aux ruines antiques. Les personnages indiquent astucieusement l’échelle des monuments.
Ces figures charmantes font passer au second plan la leçon morale et la méditation sur les vestiges de la grandeur romaine qui sont parfois évoquées par le peintre. Diderot reprochait d’ailleurs à Hubert Robert de représenter trop de personnages, nuisant ainsi à la solitude, au silence et à la « poétique des ruines ». Il le blâmait aussi de ne pas les achever et conseillait : « Finissez, Monsieur Robert, finissez ! »

L’Abondance
Le certificat de datation
La statue représente l’Abondance, que l’on reconnaît à sa corne emblématique. Sur son socle, une inscription qui imite un cartouche ancien indique : « L’Ultimo Quadro di Pintinto da H.Robert nello Stobo del l'Arcena M.Di Xbre 1779 ».
Elle signale que cette toile est la dernière exécutée dans son atelier de l’Arsenal, avant qu’il ne déménage pour le Louvre où on lui octroie un atelier. Il obtient en effet à cette époque la fonction de Garde des tableaux du Roi.
Hubert Robert fut en quelque sorte le premier conservateur, chargé dès 1784 de la mise en valeur et de l’aménagement des collections du musée du Louvre.
Cette statue, qui n’existe pas sur le site, témoigne de la fantaisie d’Hubert Robert, qui l’a peut-être dessinée à partir d’un autre panorama ou peut-être même au Louvre.

Le temple de la Sibylle
Un modèle pour les « folies » des jardins
Le temple de la Sibylle à Tivoli était un lieu de pèlerinage des amoureux des ruines et l’un des motifs favoris d’Hubert Robert.
Tivoli située près de Rome présentait le double attrait d’un lieu enchanteur et d’un site historique, dont les souvenirs de l’Empire romain perdurent dans les vestiges de la Villa Hadriana et des temples voisins.
Elle est l’ancienne ville de Tibur où, selon la légende chrétienne, la Sibylle, une prophétesse émérite, aurait annoncé à l’empereur Auguste la venue du Christ.
Outre la réputation de ce lieu de villégiature des Romains, le petit temple de la Sibylle a profondément marqué l’esthétique de la seconde moitié du XVIIe siècle avec son harmonieuse architecture circulaire scandée de colonnes corinthiennes.
Ce édifice fut le modèle de nombreuses autres « folies » et fausses ruines de temples agrémentant les jardins créés à cette époque, comme le parc Monceau (1778) à Paris ou le parc d’Ermenonville (1778) du marquis de Girardin.

Le pêcheur à la ligne
L’irruption du quotidien
À droite, un homme couché sur un fût de colonne brisée pêche à la ligne dans un ruisseau dont le lit est en partie comblé par des fragments d’architecture.
À l’époque, les vestiges antiques n’ont pas l’intérêt qu’on leur porte aujourd’hui et sont abandonnés à la disposition de tous. Entre les colonnes des temples, tout un peuple a dressé des murs, élevé des treilles, créé des cours-jardins. Les plantes se mêlent aux ruines qui gisent éparses. Les sarcophages pouvaient aussi parfois servir d’abreuvoirs ou de fontaines.

Autour de l’exposition

Informations pratiques « Six années d’acquisition 2000-2005 » se tient jusqu’au 10 juillet 2006 tous les jours sauf le mardi et les jours fériés, de 10 h à 18 h, le vendredi de 10 h 30 à 18 h. Tarifs : 6 € et 4 €, musée des Beaux-Arts de Lyon, 20, place des Terreaux, tél. 04 72 10 17 40.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°580 du 1 mai 2006, avec le titre suivant : Hubert Robert

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