Un musée haute couture

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 22 novembre 2017 - 454 mots

Marrakech -  Après l’ouverture, le 3 octobre, du Musée Yves Saint Laurent, à Paris, a été inauguré, le 19 de ce même mois, son alter ego marocain.

Situé à Marrakech, à deux pas du fameux Jardin Majorelle, antre de verdure dans lequel le couturier aimait à rechercher l’inspiration, l’édifice est signé par les architectes Karl Fournier et Olivier Marty, alias Studio KO. Pour formaliser ladite institution, d’une surface de 3 900 m2, le tandem s’est évidemment plongé, en amont, dans les copieuses archives de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent qui rassemblent, notamment, tous les dessins du couturier. « Nous avons imaginé ce musée comme une interprétation d’un vêtement », souligne Karl Fournier, précisant s’être inspiré du « patron d’une “emmanchure”, autrement dit de la jonction de l’épaule à la manche. Ce croquis, splendide, montrait de manière simple comment relier une courbe, voire une multitude de courbes (l’épaule) à une droite (la manche). » D’où l’utilisation, pour la première fois, d’une esthétique jusqu’alors peu familière pour le duo : la courbe (« Et pour un vêtement, la courbe est primordiale, car elle exprime la souplesse », dixit Karl Fournier), laquelle génère aujourd’hui plusieurs volumes du musée pour, tel un vêtement, former « une succession de déliés et de coupes franches ».

Depuis la rue où la construction semble très monolithique, rien ne laisse présager que l’intérieur, lui, s’ouvrira à la lumière naturelle. C’est pourtant le cas, dès l’entrée franchie, lorsque le visiteur se retrouve au cœur d’un vaste patio circulaire serti de vitraux colorés. Comme l’ensemble de l’édifice, les murs, en béton, s’habillent de deux matériaux phares : un soubassement en granito surmonté d’une « dentelle » de briques en terre cuite (« Un matériau local, symbole de la couleur ocre de la ville »), disposées selon « différents motifs qui évoquent des trames de tissu ». L’effet est bluffant. Plus avant, un autre patio, plus petit, est, lui, recouvert de briques vernissées tels les zelliges. À main droite se trouve la salle d’exposition permanente (400 m2) et, à main gauche, un auditorium de 130 places, tout de bois vêtu. Toujours au rez-de-chaussée sont répartis, entre autres, un espace d’exposition temporaire (120 m2), une librairie-boutique et un café-restaurant. Le lieu inclut également une bibliothèque richement dotée (5 000 ouvrages) et des réserves. Extérieur et intérieur déclinent, à nouveau, cette métaphore du vêtement et de sa doublure. Si le premier apparaît brut et opaque, le second, lui, est lisse et lumineux, entièrement blanc, hormis les deux salles d’exposition principales, sombres à dessein. À l’extérieur, le granito du sol « remonte » sur les murs grâce à une jonction arrondie, « à l’instar du pli d’une cape traînant sur le sol ». On ne se refait pas.

À savoir
Karl Fournier, 47 ans, et Olivier Marty, 42 ans, ont fondé leur agence, Studio KO, à Paris, en 2000, avant d’ouvrir, dès l’année suivante, une filiale à Marrakech, puis, en 2015, une troisième antenne à Londres. Une sélection de leurs projets, dont le Musée Yves Saint Laurent, mais aussi de nombreuses demeures particulières, vient d’être réunie dans une monographie intitulée Studio KO, parue, en octobre, aux éditions Rizzoli.

À voir
Musée Yves Saint Laurent, rue Yves-Saint-Laurent, Guéliz, Marrakech (Maroc) | www.museeyslmarrakech.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°707 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : Un musée haute couture

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