Nouveau regard

Pour une nouvelle histoire de la sculpture

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 29 août 2017 - 373 mots

« Tout se passe comme si l’art dont l’histoire se fait se répartissait tacitement […] entre les pôles déterminés de la peinture.

 » Introductive à La Sculpture à Paris, 1905-1914. Le moment de tous les possibles de Catherine Chevillot [Hazan, coll. « Bibliothèque », 352 p., 29 €], cette phrase n’a pas le goût de l’amertume. Non, elle constate seulement que l’histoire de l’art a été écrite pour narrer et comprendre la seule aventure de la peinture. D’ailleurs, quand la sculpture se renouvelle, ajoute la directrice du Musée Rodin à Paris, elle le ferait grâce à l’invention des peintres quand ils se font sculpteurs : « Gauguin, Matisse, Picasso auraient en quelque sorte sauvé la sculpture de l’autodestruction », écrit Chevillot. La spécialiste de la sculpture des XIXe et XXe siècles n’entend pour autant pas se résigner et veut, à travers cet essai issu d’une thèse, participer à « la reconstruction d’une histoire de la sculpture encore mouvante ». L’auteure prévient : il faut pour cela se détacher de la grille de lecture actuelle pour relire la période étudiée – en l’occurrence 1905-1914 – à travers les seules sources directes de l’époque, en se méfiant des souvenirs des sculpteurs et des relectures historiques quand ils sont trop tardifs… Rodin, celui qui, pour la critique de l’époque, « a rendu la vie » à la sculpture, est bien entendu la figure centrale de cette période. C’est en réaction à son naturalisme insurpassable – et à un art jugé généralement à bout de souffle – que les jeunes sculpteurs présents à Paris vont, au début du siècle, tout chambouler. « Durant dix ans, Paris est un creuset pour la sculpture, les idées s’échangent et se mêlent selon des géographies expérimentales qui défient les catégories convenues », écrit l’auteure. Venus de France et de toute l’Europe, les sculpteurs s’appellent Bourdelle (dont on a occulté trop vite l’expressionnisme), Archipenko, Brâncuzi, Lehmbruck, Zadkine, Csáky, Lipchitz, Gargallo, González, Manolo, Modigliani, Gaudier-Brzeska… Ce n’est pas l’histoire de chacun qui est ici étudiée, mais leur histoire commune : les débats qui les animent et leurs révolutions des formes (bien avant l’espace), mettant au passage à mal quelques notions établies, comme le cubisme en sculpture. La guerre mettra un coup d’arrêt à cette aventure passionnante et un point final à cet essai passionnel.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°704 du 1 septembre 2017, avec le titre suivant : Pour une nouvelle histoire de la sculpture

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