Illustration

L’étrange de gamon

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 23 mai 2017 - 359 mots

Jeunesse -  La Ville de Strasbourg pourrait se proclamer capitale de l’illustration sans qu’aucune autre ville européenne n’ose lui disputer le titre, tant elle est un incroyable vivier de talents qu’elle chérit au travers d’initiatives culturelles (campagne d’affichage « Strasbourg vue par ses illustrateurs », décoration des bus de La Compagnie des transports strasbourgeois, etc.).

Caroline Gamon, née en 1985, compte non seulement parmi ses habitants, mais son travail s’est vu sélectionné dans ces notables catégories. Cela ne l’a pas empêchée, grâce à l’Institut français du Maroc, de quitter sa ville pour celle de Fès, le temps d’une résidence artistique de deux mois en 2016, séjour d’où découlera bientôt une exposition. Mais, s’il est un territoire que Gamon n’a de cesse d’explorer, c’est son imaginaire naturaliste influencé par le Douanier Rousseau, synthétique et ludique quand il est inspiré des illustrateurs Laurent Moreau et Blexbolex, énigmatique lorsqu’il flirte avec l’artiste contemporain Peter Doig ou les collages de Jockum Nordström, voire onirique quand il emprunte à l’audace formelle de Gosia Machon. Le charme de ses images mélancoliques découle de sa technique de peinture sur bois. Procédant par fines couches successives, elle crée des effets de subtiles profondeurs de champ. Les veinures irrégulières du bois conjuguées à la trace du pinceau et la spontanéité du geste construisent un style faussement simple. Dans ces compositions soignées et épurées, luttent généralement les architectures hermétiques rectilignes et une végétation résistante, comme pour souligner les turpitudes des humains qui s’y égarent. Gamon n’impose pas sa lecture du sujet et l’accompagne délicatement, en marge, sur le fil du poète, ce qui achève de convaincre de nombreuses directions artistiques de lui accorder leur confiance sur les sujets âpres et les thématiques cérébrales. Ainsi, elle participe à la revue Nyctalope, au collectif Central vapeur, à la revue XXI, au Monde et au New York Times… et elle encadre régulièrement des ateliers d’illustration en maisons des jeunes et de la culture (MJC) et en maisons d’arrêt. Ma Panthère noire, écrit par Anne Sibran, est son tout premier album jeunesse et surtout l’opportunité pour le lecteur d’une immersion plus longue et plus profonde dans les ambiances étranges que l’illustratrice déploie avec une patience d’artisan.

Caroline Gamon, Anne Sibran,
Ma panthère noire,
Gallimard Jeunesse, collection « Giboulées »,
44 p., 16,90 €.www.carolinegamon.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°702 du 1 juin 2017, avec le titre suivant : L’étrange de gamon

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