Suisse - Centre d'art

J.-P. Felley et O. Kaeser

"En Suisse, le milieu de l’art n’est pas cloisonné"

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 23 mai 2017 - 705 mots

La Suisse se distingue par le nombre de ses lieux d’art alternatifs indépendants, parfois créés par des artistes. Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser, codirecteurs du Centre culturel suisse (CCS) à Paris, eux-mêmes anciens fondateurs d’Attitudes, reviennent sur ce phénomène.

 

Avant de prendre la direction du CCS, vous vous occupiez d’un lieu d’art indépendant à Genève.


Jean-Paul Felley C’est assez courant en Suisse où la plupart des lieux culturels ne sont pas à l’initiative de l’État. Dès la fin des années 1960, il y a eu des espaces réputés gérés par des artistes ou des associations. Le plus connu, Écart, a été fondé par l’artiste John Armleder.
Olivier Kaeser Il y a un esprit Do it yourself. Et puis les écoles d’art, de plus en plus nombreuses, se livrent une forte concurrence pour attirer les étudiants afin d’obtenir des soutiens financiers fédéraux. Parmi tous leurs diplômés, un très faible pourcentage va devenir des artistes, mais tous vont vouloir exercer dans le champ de l’art…

Lorsque vous fondez Attitudes en 1994, vous êtes étudiants !


J.-P. F. Oui, nous nous sommes connus en histoire de l’art à l’université de Genève.
O. K. Après avoir commencé à travailler dans des institutions, nous avons préféré mettre notre énergie dans notre propre structure. Renonçant au passage à nos statuts de salariés : c’était un choix de vie.
J.-P. F. La première exposition d’Attitudes était consacrée au travail d’Éric Hattan, montré en parallèle avec les films de Gordon Matta-Clark. Très vite on a eu beaucoup de monde, mais pas d’argent ! Nous financions les frais fixes grâce au bar.
O. K. Nous avons continué un moment sans lieu ; une des expositions marquantes a ainsi pris place dans les cabines de bain d’une piscine de Fribourg, réunissant pas moins de 56 artistes, émergents ou confirmés. De 1997 à 2001, nous avons emménagé dans une ancienne menuiserie.
J.-P. F. C’est là, en 1999, que Mark Lewis a fait sa première exposition hors d’Angleterre.
O. K. Et, en 2000, nous avons exposé Antonì Muntadas en partenariat avec le Musée d’art et d’histoire et le Centre pour l’image contemporaine de Genève.
J.-P. F. En Suisse, le milieu de l’art n’est pas cloisonné, les professionnels se mélangent : institutionnels, indépendants, marchands, collectionneurs… En 2000, nous avons réussi à réunir des soutiens privés pour réaliser des travaux dans une ancienne usine ; c’était un vrai changement d’échelle et l’année suivante a été très chargée. Entre-temps, nous avions obtenu des subventions publiques, ainsi que le soutien de la Loterie romande, très important encore aujourd’hui pour de nombreux lieux indépendants en Suisse.
O. K. Nous avons aussi bénéficié du soutien de la Fondation Nestlé pour l’art.
J.-P. F. En quatorze ans d’existence, nous sommes passés d’un budget nul à 450 000 CHF par an, mais sans aucune visibilité d’une année sur l’autre.
O. K. Et nous faisions tout tout seuls : la programmation, la recherche de financements, mais aussi le nettoyage, le transport des œuvres, le montage, suivi du vernissage avec un dîner servi sur place. C’était épuisant.
J.-P. F. Ce n’est pas par hasard si, en 2002, notre première exposition s’intitulait « Énergies de résistance ». Nous étions également actifs en dehors de la Suisse avec des projets à Paris, à Madrid, à Budapest, à Weimar et jusqu’en Amérique latine…

Nommés en 2008 à la tête du CCS, qu’avez-vous gardé de l’esprit d’Attitudes ?


J.-P. F. Le goût du dialogue avec les artistes, que nous aimons emmener aussi loin que possible, y compris en trouvant les moyens pour produire les projets.
O. K. Le Centre, dont nous avons fêté les trente ans en 2015, a une histoire très riche, que nous avons documentée dans un livre ; nous restons des historiens de l’art ! C’est important de montrer ce qui a eu lieu ici. C’est aussi la raison pour laquelle nous publions trois fois par an la revue Phare qui, avec le site Internet, assure une visibilité à la programmation d’art visuel et d’arts vivants.

Une actualité à ne pas manquer en juin au CCS ?
 

L’exposition de Silvia Bächli et Éric Hattan bien sûr et, côté théâtre, Claptrap, un spectacle à voir absolument ! Il sera ensuite repris mi-juin au théâtre de Vidy à Lausanne.

 

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°702 du 1 juin 2017, avec le titre suivant : "En Suisse, le milieu de l’art n’est pas cloisonné"

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque