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La main de le Corbusier d'Ora Ito

Par Élisabeth Couturier · L'ŒIL

Le 14 avril 2017 - 632 mots

FETICHE - Les immenses fenêtres de son bureau, situé place des Victoires, donnent directement sur la statue équestre de Louis XIV réalisée par le sculpteur François-Joseph Bosio en 1822.

Un cadrage quasi cinématographique. Le contraste est saisissant entre l’ameublement design du salon, où Ora Ito nous reçoit, et ce témoignage du Grand Siècle baroque : « J’aime ce genre de confrontation, dit-il. Regardez les objets qui sont posés sur ce meuble bas : il y a là une petite sculpture de Max Ernst, une autre de Dalí, une statue antique en pierre, mais aussi ma lampe One Line, ainsi que l’objet auquel je suis très attaché, la petite main dessinée par Le Corbusier. J’en possède quatre éditions, chacune dans un matériau différent. J’ai ici sa version en bronze, et aussi celle en bois, pour laquelle j’ai une tendresse particulière car le verso a été mordillé par mon teckel adoré ! »

À 40 ans, l’enfant terrible du design garde l’allure souple du jeune homme moderne qui ne tient pas en place. Son regard scanne tout ce qui l’entoure et son cerveau réagit au quart de tour si un mot l’entraîne vers une idée encore inexplorée. Il échange, dialogue et répond aux questions avec la franchise de celui qui a voulu très tôt renverser la table et édicter ses propres règles. Avec moins de déclarations provocatrices cependant. Il reconnaît avoir dit parfois des « conneries » avant de conclure : « Mais qui n’en a jamais dit dans sa vie ! » N’est-ce pas par effraction qu’il est entré dans le monde du design, via Internet, en proposant des articles virtuels Vuitton, Nike ou Apple ? Un détournement qui l’a propulsé, à 19 ans, sur le devant de la scène internationale. Depuis, le jeune prodige autodidacte crée tous azimuts et multiplie les récompenses. Sa ligne avant-gardiste, tendance rétro-futuriste, séduit les plus grands éditeurs de meubles tels Kartell, Cassina, Magis, Roche Bobois, etc. Mais son fonds de commerce reste l’aménagement d’hôtels, de cinémas ou de restaurants branchés. Il est fier aussi du tramway de Nice, inauguré l’an dernier : « En vingt ans, j’ai déjà réalisé environ trois cent cinquante projets ! », évalue-t-il, lui-même étonné. Une trajectoire de météorite qui fait des jaloux. La main dessinée par « Le Corbu » jouerait-elle, alors, le rôle de talisman positif ? Il dit : « C’est une main ouverte, amicale et généreuse, un objet bienveillant. Elle ressemble un peu à la colombe de la paix dessinée par Picasso. Elle a été réalisée comme emblème de Chandigarh, une ville nouvelle du nord de l’Inde imaginée par Le Corbusier en 1947. » Un architecte qu’Ora Ito vénère depuis longtemps : « À dix ans, je possédais déjà une bibliothèque importante de livres sur l’architecture. J’ai commencé à m’y intéresser en voyant une publicité reproduisant une maison dessinée par Frank Lloyd Wright. Je me suis ensuite tourné vers les constructions de Le Corbusier. À l’époque, il symbolisait la modernité la plus radicale. Maintenant, ses bâtiments paraissent intemporels. »

Alors, en hommage à ce grand maître, Ora Ito, originaire de Marseille, a créé il y a quatre ans le MAMO, un musée de plein air sur le toit de la Cité radieuse construite par Le Corbusier, dans la cité phocéenne, entre 1945 et 1952 : « J’ai dû vendre toute ma collection et mon appartement pour trouver l’argent nécessaire à ce projet. J’y ai déjà montré des artistes qui ont le sens de l’espace comme Xavier Veilhan, Daniel Buren, Felice Varini ou Dan Graham. Mon prochain artiste invité sera Jean-Pierre Raynaud. » Il ajoute : « MAMO signifie Marseille Modulor, mais aussi Marseille Main Ouverte » Et, devinez ! Cette sculpture fétiche sert de logo au musée.

Ouverture en avril de l’hôtel Yooma sur le Front de Seine, un « lodge urbain » économique et plein d’astuces proposant des chambres pour 2, 4 ou 6 personnes. Le MAMO accueillera sa 5e exposition, avec comme invité Jean-Pierre Raynaud. 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°701 du 1 mai 2017, avec le titre suivant : La main de le Corbusier d'Ora Ito

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