Illustration

Stéphane Kardos Récolte urbaine

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 16 janvier 2018 - 366 mots

JEUNESSE - Dans le quartier hyper éclectique d’Highland Park, au nord-est de Los Angeles, sous le farniente qui taille les ombres en suivant la découpe des câbles électriques, rôde Stéphane Kardos, encore tout pétri de l’esprit de l’illustrateur Albert Brenet, son influence la plus manifeste.

L’abondante lumière lui a révélé la beauté séculaire de ce quartier en pleine expansion qui répand ses dernières reliques. Il rapporte avec la fougue d’un Jacques Majorelle le charme suranné des vieilles enseignes vintage cabossées et des signalétiques datées sur de larges formats raisin. Son chevalet planté au carrefour, il capture à la gouache et sans filet l’essence d’une Chevrolet mourante échouée sur une station usée ou l’absurdité comique de personnages publicitaires. Il flirte avec l’abstraction en conjuguant les derniers souffles d’un mobilier urbain rouillé et d’une architecture fatiguée. Ressuscite l’âme lessivée d’un fronton victorien aux couleurs vives, encore tout imbibée de touches à la David Hockney. Kardos éponge les restes du street art. Il immortalise les derniers spectres qui frayent dans d’improbables ruelles figées dans les années 1970. Le chaos des objets agonisants lui confie la magie et les secrets de ses derniers instants.

Il aurait pu rester planqué dans son confortable studio, à magnifier des clichés volés sur Google Images. Mais non. Kardos n’a jamais oublié ses origines modestes et ce qu’il doit à la rue. Il veut saisir le brut en plein air. Assumer le pinceau qui ripe. Et ne jamais trahir la vérité de l’instant présent. S’il est sensible à la poésie des lieux, c’est parce qu’ils tranchent singulièrement avec sa Picardie natale. Formé à l’Esaat de Roubaix, puis aux Arts décoratifs de Strasbourg au début des années 1990, il a subi les valeurs de gris de Paris et de Londres pendant des années avant d’atterrir à Los Angeles en 2007. Sa rétine fascinée renaît depuis sous l’intensité de l’incandescence californienne. Quoi de plus approprié que le légendaire café galerie Civil Coffee pour accueillir le fruit de sa récolte dans l’exposition « Plein les mirettes ». Une légion de directeurs artistiques séduits par son style multiplient déjà les commandes pour le secteur éditorial, faisant à leur tour renaître un esprit authentique et un genre illustré porteurs d’une séduisante mélancolie.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°701 du 1 mai 2017, avec le titre suivant : Stéphane Kardos Récolte urbaine

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