Montréal (Canada)

Le revers de la carte postale

Centre canadien d’architecture jusqu’au 9 avril 2017

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 17 février 2017 - 323 mots

Pour le 150e anniversaire de la confédération, le Centre canadien d’architecture affirme son indépendance en soufflant les bougies d’un cadeau explosif.

« Le temps presse : une contre-histoire environnementale du Canada moderne » dresse le récit résolument peu glorieux d’un demi-siècle de négligences, de tromperies et d’inconscience écologiques qui font froid dans le dos. Si l’image d’Épinal d’un Canada vert, forestier, aux eaux limpides, aux ressources naturelles phénoménales reste tenace, c’est qu’elle est savamment entretenue. Mais le revers de la carte postale est bien plus glauque. Le vestibule qui accueille le visiteur annonce d’ailleurs d’emblée l’angle d’analyse sans concession de l’exposition : au milieu d’une photographie du XIXe siècle agrandie représentant l’iconique lac canadien et son cadre sauvage, une carte historiée du Canada célèbre les ressources de ce pays de Cocagne. Mais il suffit de tourner la tête pour se retrouver devant un pylône monumental de ligne à haute tension tordu. L’œuvre de l’artiste vancouverois Douglas Coupland rappelle la catastrophe qui avait frappé le Québec en 1998. Cette année-là, la Province avait essuyé une tempête de verglas qui avait terrassé le réseau électrique et souligné la vulnérabilité du système. Quatre millions de personnes s’étaient retrouvées dans le noir et dans le froid glacial pendant de longues journées. Toute l’exposition déroule ensuite cette même articulation du démontage en règle des images de façade par un arsenal complexe de preuves d’une catastrophe historique. Une pour chaque thème, à savoir le Grand Nord, la forêt, les énergies fossiles, l’hydroélectricité, la pêche, le nucléaire, l’eau et l’air. Et le résultat est sans appel : le Canada est un pays arriéré sur le plan environnemental. Cependant, loin d’être un long exercice déprimant, la visite s’avère révoltante dans le bon sens du terme. Au lieu de céder au découragement, le spectateur délaisse progressivement son statut d’élève pour celui de citoyen. « Le temps presse » est ainsi subtilement politique, au fil d’un parcours dense et exigeant qui constitue un contre-pouvoir salutaire en ces temps de promesses non tenues.

« Le temps presse : une contre-histoire environnementale du Canada moderne »

Centre canadien d’architecture, 1920, rue Baile, Montréal (Canada), www.cca.qc.ca

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°699 du 1 mars 2017, avec le titre suivant : Le revers de la carte postale

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