Foire & Salon

La Belgique, terre de créativité très représentée à la Brafa

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 17 janvier 2017 - 1016 mots

Internationale, la foire bruxelloise n’a cependant pas peur de défendre ses galeristes et ses artistes.

Les artistes et galeristes belges sont nombreux à la Brafa, et c’est bien normal, dira-t-on, pour une foire solidement implantée à Bruxelles. Sur 132 exposants, près de la moitié – soit 59 galeries – sont belges et, du côté des nouveaux participants pour le pôle contemporain, trois d’entre eux sont implantés en Belgique (Bernier/Eliades Gallery, Patrick De Brock et Rodolphe Janssen), qui viennent gonfler les rangs d’Albert Baronian et de Meessen De Clercq. En outre, l’arrivée de galeries prestigieuses telles que Bernard de Grunne (Bruxelles) pour l’art tribal, La Mésangère, Albert Vandervelden (Liège) pour le mobilier, et Jacques de la Béraudière (Genève, Bruxelles) spécialisé dans les maîtres des XIXe et XXe siècles, participe aussi de ce fort tropisme belge.

Certes, avec seize pays représentés, la foire n’oublie pas d’être internationale et peut se féliciter d’attirer des exposants parisiens, londoniens, barcelonais, genevois et même montréalais. Mais elle n’oublie pas, sans tomber bien sûr dans le chauvinisme, de témoigner du bouillonnement artistique, d’hier et d’aujourd’hui, de la Belgique. « Depuis l’époque des primitifs flamands jusqu’à Broodthaers, précise Harold t’Kint de Roodenbeke, le président de la Brafa, la Belgique n’a jamais cessé d’être une terre de créativité. On a souvent dit également qu’elle serait le pays où il y a le plus de collectionneurs au kilomètre carré ; la vérité étant que le Belge est non seulement artiste mais également amateur d’art et collectionneur, ceci à tous les niveaux et dans différents domaines. Depuis le Moyen Âge, la Belgique est traditionnellement connue pour ses artistes (Brueghel, Rubens, Van Eyck…), mais aussi pour la tapisserie, l’orfèvrerie, la sculpture malinoise. Vers la fin du XIXe siècle, avec la “libre esthétique” et le groupe des XX, Bruxelles était le centre mondial de l’art “moderne”, tous les grands maîtres y exposaient. Bref, c’est une terre de culture et de contrastes qui en fait un pays surréaliste par nature. »

De Brueghel à Hergé
Justement, le surréalisme est à la fête à la Brafa. À côté de Harold t’Kint de Roodenbeke, qui dévoile un dessin d’Hergé faisant un clin d’œil à Magritte et qui consacre une grande partie de son stand à Paul Delvaux (1897-1994), Jacques de la Béraudière propose trois feuilles des années 1960 et 1970 du peintre belge (Filles au bord de l’eau, Les Confidences et L’École des savants), pour des prix allant de 110 000 à 165 000 euros. Venue de Londres, Stern Pissarro Gallery expose une surprenante toile de 1923 de René Magritte (1898-1967), Nocturne, qui rappelle son intérêt pour la publicité et l’art de l’affiche, dont le prix de vente est à 625 000 euros. Toujours dans le moderne, il faut rendre visite à Alexis Bordes (Paris), pour admirer une « fille de joie » de Félicien Rops (1833-1898) magnifiquement traitée au pastel (Le Maillot, 1878), puis aller chez le Français Xavier Eeckhout qui focalise sur des sculpteurs belges de la première moitié du XXe siècle : sur son stand, des bronzes racés d’Albéric Collin (1886-1962), sculpteur animalier que l’on surnommait le « Bugatti belge », voisinent avec un cheval majestueux de Raymond de Meester, estimé entre 10 000 et 15 000 euros. « Les prix des bronzes de Collin, note le galeriste parisien, ne cessent d’augmenter sur le marché. En 2000, un beau félin en bronze se vendait 6 000 euros en salle des ventes ; aujourd’hui, le même se vend environ 50 000 euros. »

Du côté des peintres du XIXe siècle, Patrick et Viviane Berko (Berko Fine Paintings, Knokke-Heist) mettent les bouchées doubles : « Cela devient très difficile de trouver des tableaux belges du XIXe siècle de bonne qualité. Les collectionneurs préfèrent garder leurs pièces précieusement. » Pour l’occasion, est tout de même dévoilée une série de peintures multipliant paysages et scènes de genre, signées François Boulanger, Évariste Carpentier, Henri Adolphe Schaep, Fernand Toussaint, Jan Van Beers et Jan Verhas, pour des prix allant de 28 000 à 150 000 euros. La palette claire de Promenade dans les dunes de Verhas (1896, 110 000 euros) renvoie à l’impressionnisme belge, dont on retrouve l’un des grands représentants chez Jan Muller (Gand), Émile Claus (1849-1924). Son tableau frais Vent et Soleil (1891-1892) côtoie, chez ce galeriste éclectique, des œuvres plus anciennes – une miniature sur métal de Jan Brueghel le Vieux, circa 1590, estimée entre 250 000 et 500 000 euros ; un groupe en bois polychrome (Brabant, Anvers, 1500), représentant sainte Marie Jacobé enseignant la lecture à ses enfants, prix de vente entre 40 000 et 50 000 euros – dont la puissance plastique rappelle, s’il en était besoin, l’importance de l’art belge dans le passé.

Un art en mouvement
Plus proche de nous, les grands noms belges des XXe et XXIe siècles sont représentés en nombre à la Brafa. On peut savourer des originaux d’Hergé chez Belgian Fine Comic Strip Gallery (Luxembourg), redécouvrir une figure majeure de l’art concret trop méconnue en France (Léon Wuidar chez Rodolphe Janssen), se laisser surprendre par les constructions cinétiques des années 1970 et 1990 de Pol Bury à la Patinoire royale (prix entre 35 000 et 110 000 euros), ainsi que par les pièces tourbillonnantes du percutant Wim Delvoye, annoncé chez moult galeristes contemporains de référence comme Bernier/Eliades, Janssen et Guy Pieters, pour des prix allant de 120 000 à 230 000 euros, puis, enfin, saluer les chats farcesques de Philippe Geluck chez Huberty & Breyne (Bruxelles), les prix de ses estampes numériques, sérigraphies et toiles s’échelonnant de 400 à 22 000 euros.
Question humour, Albert Baronian affiche un Drapeau noir (1968) de Marcel Broodthaers, estampillé « tirage illimité », tout à fait emblématique du côté pirate de cet artiste post-duchampien. Last but not least, pour découvrir la jeune scène artistique belge, il faut passer par le stand de Rodolphe Janssen et Meessen De Clercq qui montrent, respectivement, un bronze macabre de Thomas Lerooy (2016, 18 000 euros) et un moulage d’une calotte crânienne humaine (2016, 3 200 euros) de Fabrice Samyn dont la « carapace » rappelle les troublantes sculptures-scarabées de Jan Fabre.

La Brafa Tour & Taxis

Avenue du Port 88 – B-1000 Bruxelles. Du samedi 21 au dimanche 29 janvier 2017 de 11 h à 19 h, nocturne le jeudi 26 janvier 2017 jusqu’à 22 h.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°698 du 1 février 2017, avec le titre suivant : La Belgique, terre de créativité très représentée à la BRAFA

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