Statue lagunaire de Côte-d’Ivoire

Par Bertrand Dumas · L'ŒIL

Le 17 octobre 2016 - 438 mots

Une reine fait son entrée au Musée du quai Branly. Originaire de Côte-d’Ivoire, la statue constitue un enrichissement sans équivalent des collections nationales.

Reine
Seule sculpture des Lagunaires de type anthropomorphe identifiée à ce jour, la figure féminine a le port altier d’une reine. Dans les deux trous de ses poings serrés devaient se loger les attributs de son rang. Le haut lignage du commanditaire s’incarne naturellement dans la préciosité des matériaux qui composent son effigie, en premier lieu l’or considéré par les peuples lagunaires comme un élément vivant et puissant qui intervient dans l’affirmation du statut social et la protection de l’individu. Les perles d’or, de verre et de corail utilisées pour les colliers partagent cette capacité à éloigner les maladies, comme les mauvais sorts. Les statues de cette importance, par nature exceptionnelles, étaient entreposées à l’abri des trésors de chefferie. 

Les Lagunaires

Le sculpteur appartient aux peuples des Lagunaires constitués d’une douzaine de groupes ethniques.
Leur nom provient de leur habitat localisé autour du vaste complexe lagunaire formé par le lac Ébrié qui s’étire le long du rivage près d’Abidjan. Les bras articulés, aux mains puissantes, ainsi que le traitement des seins coniques, rappellent les statues Attié dont le musée avait pu acquérir, en 2015, l’un des rares masques identifiés de cette ethnie. D’une manière générale, la statuaire des Lagunaires est peu courante, celle-ci ayant souffert du vandalisme de l’évangélisme iconoclaste qui sévit dans le sud du pays au début du XXe siècle. 

Feuilles d’or
La statue est recouverte de feuilles d’or dont l’épaisseur inhabituelle traduit le prestige du commanditaire. Elles sont fixées à leur support par des agrafes selon une technique ancienne abandonnée au début du XXe siècle. Les motifs striés ont été obtenus par estampage du métal
qui recouvre le bois incisé au préalable.

Avant 1850
La taille incomparable de la sculpture, 44 cm de haut, tout comme la richesse et l’abondance de son décor, reflètent la puissance économique des royaumes lagunaires qui ont entretenu avec les Français des relations commerciales aux XVIIe et XVIIIe siècles. À la faveur de ces échanges, la statue aux bras articulés (mode de fixation transmis par les navigateurs occidentaux) aurait gagné l’Europe par le port de La Rochelle où l’expert Patrick Girard l’a collectée il y a une trentaine d’années au sein d’une famille locale pouvant avoir un lien précoce avec les comptoirs ivoiriens.

624 800 €
Cette rarissime sculpture était la vedette de la vente d’art africain organisée à Drouot par l’étude Binoche et Giquello le 19 mai dernier. Elle a été adjugée 500 000 euros au marteau avant d’être préemptée par l’État pour le compte du Musée du quai Branly.  

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°695 du 1 novembre 2016, avec le titre suivant : Statue lagunaire de Côte-d’Ivoire

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