Art contemporain

Toronto (Canada)

Les artistes, meilleurs militants de la cause climatique

Ryerson Image Centre Jusqu’au 4 décembre 2016

Par Pierre Morio · L'ŒIL

Le 26 septembre 2016 - 378 mots

Bienvenue dans une nouvelle ère géologique : l’anthropocène. Même si la communauté scientifique reste partagée sur le sujet, l’humanité quitterait l’holocène (l’époque géologique qui couvre les 10 000 dernières années) pour cette nouvelle époque définie par son impact négatif sur l’atmosphère, la faune et la flore, mais aussi sur la composition géologique de la planète.

Scrutés par les chercheurs depuis de nombreuses années, ces changements perceptibles intéressent photographes et artistes depuis les années 1960. Constatant que « le changement climatique est par nature disproportionné », qu’« il écrase souvent notre compréhension d’échelle et d’impact, devenant pratiquement impossible à visualiser », Bénédicte Ramade [collaboratrice de L’Œil] réunit à Toronto une quarantaine de travaux d’artistes pour illustrer ce propos. Pour la commissaire d’exposition, spécialiste de l’art environnemental, « l’art est certainement l’un des médiateurs les plus puissants pour changer notre vision ». Pour renforcer sa démonstration, elle s’est plongée dans le riche fonds photographique du Ryerson Image Centre, qui possède les archives de la Black Star Press Agency (pionnière de la photographie environnementale dans les années 1960), qu’elle confronte avec la quarantaine d’œuvres choisies. La force documentaire des photographies et vidéos présentées, doublée de la puissance plastique, entraîne chez le visiteur un sentiment mêlé d’effroi et de fascination quant à la réalité dépeinte…

Il en est ainsi de Darvaza, la vidéo d’Adrien Missika, qui nous confronte à un spectacle terriblement hypnotique : la destruction de la planète par un acte inconséquent de l’homme. Village du Turkménistan, Darvaza est connu pour sa poche de gaz qui brûle en continu. Lors d’une prospection minière menée en 1971, une tour de forage s’est en effet effondrée après le percement accidentel d’une cavité. Pour éviter l’explosion de la poche de gaz, on y a alors mis le feu, les géologues estimant que la combustion ne serait pas longue. La zone, qui brûle toujours, a été depuis surnommée « porte de l’enfer ». Dans sa série Nuclear Landscapes, Peter Goin documente quant à lui de façon systématique des paysages anodins, dont le point commun est d’avoir été modifiés par des essais nucléaires. Seul le texte explicatif que le photographe a ajouté permet de mesurer l’ampleur des dégâts irréversibles. Le résultat glace le sang ! Comme d’ailleurs le reste de l’exposition, divisée en quatre sections qui ne devraient pas faire sortir la conscience du visiteur indemne.

The Edge of the Earth, Climate Change in Photography and Video

Ryerson Image Centre, 33 Gould Street, Toronto (Canada), www.ryerson.ca

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°694 du 1 octobre 2016, avec le titre suivant : Les artistes, meilleurs militants de la cause climatique

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