Londres (Grande-Bretagne)

A propos de la survivance de Botticelli

Victoria and Albert Museum jusqu’au 3 juillet 2016

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 19 avril 2016 - 439 mots

On imaginait entamer la visite de l’exposition Botticelli par la gent féminine. C’est par une autre jante que l’on commence, de voiture celle-ci : la Botticelli III Wheel, dessinée en 2006 par la firme OZ, mélange d’élégance et de race sportive, symbole de modernité et d’innovation comme le furent en leur temps les peintures de… Sandro Botticelli.

Déroutant ? Pas si l’on se souvient que l’on est au Victoria and Albert Museum, le grand musée de tous les arts, y compris décoratifs, à Londres. D’entrée de salle, le ton est donc donné : il ne s’agit pas d’une « simple » exposition sur le peintre florentin – fût-elle la plus importante jamais programmée en Grande-Bretagne, mécénée, cocorico !, par la Société générale –, mais d’une exposition « Botticelli Reimagined », soit : Botticelli réinventé. Il s’agit ainsi de montrer quelle a été la résonance du maître (ses contrapposti inimitables, ses cous et ses pieds allongés, etc.) dans la création des XIXe, XXe et XXIe siècles, depuis la redécouverte du peintre après la campagne napoléonienne d’Italie jusqu’au morphing de Michael Joaquin Grey. Il y a de bonnes trouvailles dans l’exposition, comme le parcours en trois chapitres indépendants qui offre au visiteur de remonter le temps : la création des XXe et XXIe siècles, l’art du XIXe siècle pour terminer, enfin, sur l’œuvre proprement dite de Botticelli. Cela évite toute lutte entre le maître florentin et ses « suiveurs », qui leur aurait été fatale. Mais le résultat est confus. Ainsi la première section met-elle en regard des œuvres inconciliables. Cela grince des dents entre les portraits de plage, légitimes ici, de Rineke Dijkstra, les décors kitsch de LaChapelle et la peinture marketing de Tomoko Nagao, dont l’accrochage pouvait se passer. Les intentions des artistes aussi ne sont pas compatibles, comme celle de Yin Xin qui, en 2008, transforme la Vénus italienne en Vénus asiatique et le strip-tease d’Orlan, qui se dévêtit en 1974 de sa beauté archétypale héritée de la Renaissance. Les collisions sont tout aussi courantes dans la deuxième section, qui accroche sur le même mur Rossetti, Burne-Jones, Bouguereau, Degas et même Ruskin – dont on découvre qu’il fut un copiste honorable. Heureusement, l’ultime chapitre rappelle qui l’on est venu visiter : Botticelli. Avec cinquante-cinq œuvres du maître ou d’atelier venues de Florence, Paris, Boston, Berlin, Vienne, Montpellier, etc., cette dernière partie est une véritable exposition dans l’exposition, où les murs blancs et l’éclairage clinique de cette dernière salle contrastent avec ceux de la première section plongée, elle, littéralement dans le noir. Comme pour mieux nous dire que l’âge de ténèbres n’est peut-être pas celui auquel on pense habituellement…

« Botticelli Reimagined »

Victoria and Albert Museum, Cromwell Road, Londres (Grande-Bretagne), vam.ac.uk

Légende photo
Vue des salles de l’exposition «Botticelli Reimagined», au Victoria & Albert Museum, Londres. © Victoria and Albert Museum, London.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°690 du 1 mai 2016, avec le titre suivant : A propos de la survivance de Botticelli

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