Bande dessinée

Brecht Evens dompteur d’imprévus

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 23 mars 2016 - 427 mots

PARIS

RENCONTRES DU 9e ART- En moins de trois albums et deux prix (prix Willy Vandersteen, en 2010, et prix de l’Audace du festival d’Angoulême, pour Les Noceurs, en 2011),

Brecht Evens, tout juste trente ans, a imposé son écriture bariolée, d’une grande liberté formelle, intense et saturée. Comme on peut le vérifier au festival de bande dessinée et autres arts associés à Aix-en-Provence, les emprunts de ce Belge précoce sont légion et facilement identifiables : le Douanier Rousseau pour l’accumulation, Matisse pour la collision chromatique, Chagall pour la spontanéité quasi animale, Robert Delaunay pour l’éclat, Brueghel l’Ancien pour le foisonnement, Van Eyck pour les compositions et les fausses perspectives. Sans oublier David Hockney, pour l’art de déconstruire à son profit ces honorables références. Bref, les planches de Brecht Evens sont un véritable jeu de piste et autant d’échos qui flatteront les amateurs d’art et initieront les néophytes. Evens connaît ses classiques, les a digérés et rebat les cartes avec la fougue d’un expressionniste allemand. De l’apprentissage de la sérigraphie, il a retenu le jeu des transparences. Les altercations d’effets de gouache et d’aquarelle cohabitent dans un fatras qui, malgré l’apparent chaos, raconte et explore un monde nouveau, formidablement narratif. Décliné en bandes dessinées comme en illustrations, le mélange improbable séduit par la vigoureuse force graphique qui en résulte, dans un équilibre dynamique situé entre figuratif et abstrait. Là où nombreux de ses confrères de sa génération abusent du repentir que permet le numérique jusqu’à l’aseptisation, Evens pratique le dessin à l’ancienne, à coups de pinceaux plongés dans l’écoline et ses viscères. L’ancien élève de l’institut Saint-Luc de Gand, incubateur d’expressions libres, joue sans filet. Il assume les accidents graphiques qu’il rend somptueux. Cette démarche l’oblige à une concentration supérieure. Parce qu’il ne sait pas forcément où il va, sinon furieusement à la rencontre d’une surprise rétinienne extraite d’un pays inédit, sa technique lui impose de rééquilibrer constamment son geste et sa palette pour revenir de ses introspections et réaménager la zone du minimum lisible. Zone où notre œil découvre ses fresques gargantuesques. Il lui faut également fuir les systématismes et les répétitions de motifs au prix d’un dialogue intérieur permanent ou s’entremêlent tumultes et trouvailles. La lecture de ces enivrantes énigmes visuelles impose au lecteur d’avoir l’œil tout aussi gourmand que lui et d’opérer plusieurs passages pour en décrypter le sens et l’essence, car partout la palette explose, la touche vibre. Même les objets dansent. Sur le fond, Brecht Evens embrasse toutes les ambiguïtés des thèmes de l’enfance et de l’adolescence. Et leur fait d’indispensables enfants terribles.

« Brecht Evens, le meilleur des mondes »

Dans le cadre des Rencontres du 9e Art d’Aix-en-Provence, du 1er avril au 21 mai, puis du 8 juin au 20 juillet 2016, Musée du palais de l’archevêché, place de l’Archevêché, Aix-en-Provence (13) www.bd-aix.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°689 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Brecht Evens dompteur d’imprévus

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