Art contemporain

Judit Reigl façon puzzle

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 23 mars 2016 - 612 mots

PARIS

À Paris, cinq galeries s’unissent pour présenter une grande exposition retraçant les grandes étapes du travail de de cette jeune artiste de 93 ans.

Pour ce printemps, cinq galeries parisiennes (Le Minotaure, Antoine Laurentin, Anne de Villepoix, Alain le Gaillard, Le Studiolo Galerie de France) s’associent pour créer l’événement : organiser une exposition simultanée de Judit Reigl, artiste transnationale d’origine hongroise – née en 1923 à Kapuvár – dont l’œuvre puissant, qui se nourrit de plus de soixante ans de pratique, est multiple, allant de l’« automatisme psychique » du surréalisme à l’Action Painting via l’exploration de la frontière entre figuration et abstraction. « Une telle réunion d’œuvres, c’est quasiment du jamais vu dans l’Hexagone, souligne Catherine Thieck de la Galerie de France, ses dernières grandes expos institutionnelles remontant à 1976 à l’Arc, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, et à 1994 au Centre Georges Pompidou. »

Abstraction-figuration
Cette exposition commune regroupe plus de soixante-dix pièces, pour la plupart inédites en France, de cette créatrice intransigeante, antidogmatique, éprise de liberté et fuyant tout esprit de chapelle. Son œuvre fonctionnant par cycles, les cinq galeristes passionnés par son travail et sa personne, « une petite bonne femme qui est une véritable force de la nature », dit Benoît Sapiro, ne prétendent pas en dresser un panorama complet, ils préfèrent focaliser sur cinq grandes étapes de sa trajectoire : « Éclatement/Écriture en masse (1954-1965) » à la galerie Le Minotaure, « Homme (1966-1970) » à la galerie Antoine Laurentin, « Drap/Décodage (1973) » à la galerie Anne de Villepoix, « Écritures d’après musique (1965-1966) » à la galerie Alain le Gaillard et « Fragments de peintures (1960-2010) » au Studiolo Galerie de France. Ces séries, d’importance, sont néanmoins tout à fait emblématiques de l’amplitude plastique d’une démarche prométhéenne visant à inscrire sur le support l’action, le geste vigoureux de l’artiste et son engagement physique, qui tient lieu de principe de composition ; la plasticienne affronte souvent des toiles de grand format, posées à même le sol, employant une brosse ou des instruments qu’elle fabrique elle-même.
Exploitant aussi bien l’abstrait que le figuratif, voire l’entre-deux comme pour son cycle « Homme » mêlant geste et corps dressés, les formats imposants (ses Draps flottants rappellent Supports/Surfaces) comme les plus modestes (ses œuvres musicales réalisées sur de petites feuilles), Judit Reigl est assurément une grande artiste, aujourd’hui âgée de 93 ans.

Une stature internationale
Pour autant, quid de sa place dans le marché de l’art ? Les galeristes proposent ici des pièces (dessins, peintures) dont les prix vont de 7 000 à 250 000 euros. Dernièrement, dans les ventes aux enchères, un grand Éclatement de 1956 a atteint la somme de 128 601 euros (2013, Christie’s Londres) et un autre, de la même année, celle de 260 000 euros (2015, Sotheby’s France). « C’est toujours pareil, précise Antoine Laurentin, elle souffre de ses origines, si Judit était américaine, ses œuvres se vendraient cent fois plus cher, les États-Unis ayant toujours soutenu leurs propres artistes. Cependant c’est une très bonne chose qu’elle existe sur le sol américain en étant notamment collectionnée par de grandes institutions, tels le MoMA ou le Met de New York l’affichant aux côtés de Pollock et autre Franz Kline, car cela permet de confirmer sa stature de figure majeure de la peinture contemporaine. » Gageons que cette rétrospective en galeries, associée à une actualité internationale (« Judit Reigl : Body of Music » au Allen Memorial Art Museum d’Oberlin dans l’Ohio, jusqu’au 29 mai), permettra non seulement de renforcer sa cote, mais surtout de la faire découvrir au plus grand nombre et d’offrir aux jeunes plasticiens du grand art auquel se mesurer.

« Judit Reigl. Éclatement/Écriture en masse »
Du 25 mars au 21 mai 2016. Galerie Le Minotaure, 2, rue des Beaux-Arts, Paris-6e. Du mardi au samedi de 11 h à 13 h et de 14 h à 19 h. www.galerieleminotaure.net

« Judit Reigl. Écritures d’après musique/L’art de la fugue »
Du 25 mars au 21 mai 2016. Galerie Alain le Gaillard, 19, rue Mazarine, Paris-6e. Du mardi au samedi de 14 h à 19 h. www.alainlegaillard.com

« Judit Reigl. Drap/Décodage »
Du 25 mars au 21 mai 2016. Galerie Anne de Villepoix, 43, rue Montmorency, Paris-3e. Du mardi au samedi de 10 h à 19 h. www.annedevillepoix.com

« Judit Reigl. Homme »
Du 25 mars au 21 mai 2016. Galerie Antoine Laurentin, 23, quai Voltaire, Paris-7e. Du mardi au vendredi de 10 h 30 à 13 h et de 14 h à 18 h 30, le samedi de 14 h à 18 h. www.galerie-laurentin.com

« Judit Reigl. Fragments de peintures »
Du 25 mars au 21 mai 2016. Le Studiolo - Galerie de France, 54, rue de la Verrerie, Paris-4e. Du mardi au samedi de 14 h à 19 h, fermé lundi et dimanche. Entrée libre. www.galeriedefrance.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°689 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Judit Reigl façon puzzle

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