La résurrection de Zodiaque

Par Virginie Duchesne · L'ŒIL

Le 21 février 2016 - 781 mots

Pendant plus de cinquante ans, les éditions Zodiaque ont participé à la redécouverte de l’art roman français. L’éditeur Stéphane Bachès fait aujourd’hui renaître cette part du patrimoine éditorial et poursuit l’aventure lancée en 1951 par le moine bénédictin Angelico Surchamp.

Bravo et tous mes encouragements pour la résurrection de Zodiaque. » La dédicace du moine bénédictin Angelico Surchamp à Stéphane Bachès est belle et subtilement religieuse, dans la droite lignée de son travail réalisé durant un demi-siècle avec ces éditions : « L’apostolat par le truchement de l’art ». Il n’empêche, la collection « La Nuit des temps » de Zodiaque est un « véritable catalogue raisonné de notre patrimoine roman », qui, grâce aux quatre-vingt-huit tomes dédiés à chaque région ou territoire français, principalement, a forgé un regard et une culture formidable sur cette période de l’histoire. Bourgogne romane, Poitou roman, Auvergne romane : ces titres écrits en caractères puissants sur toute la tranche blanche du livre (depuis jaunie par le temps) ornent encore de nombreuses bibliothèques. À l’intérieur, les photographies en noir et blanc dévoilent les détails de l’architecture et de la sculpture, dans un jeu de subtils dégradés de gris, obtenus par l’héliogravure. Si Zodiaque a possédé une centaine de titres, c’est « La Nuit des temps » qui a marqué les esprits. « C’était d’une invention visuelle et graphique prodigieuse, immédiatement lisible et le format compact en faisait presque un ouvrage de voyage », explique Cédric Lesec, qui a dirigé la publication de Zodiaque. Le monument livre, paru en 2012, sur l’histoire des éditions.

L’exigence
Tout commence au début des années 1950. Le moine bénédictin Angelico Surchamp est aussi artiste, élève du peintre Albert Gleizes et défenseur de l’art abstrait. Il publie un fascicule intitulé Deux Notes sur l’art abstrait expliquant que celui-ci plonge ses racines dans les formes romanes primitives et qu’« en transférant le sens de la réalité, il favorise l’accès au sacré ». C’est ainsi que naît la revue Zodiaque, au cœur du Morvan, dans le monastère de Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire. En 1954, plusieurs numéros sont regroupés pour donner naissance au premier tome de la collection : Bourgogne romane. Le succès est tel qu’il fut réédité une dizaine de fois. Jusqu’en 1999, les moines, puis peu à peu des auteurs séculiers, vont produire deux numéros par an, qui sortent de façon judicieuse à Noël et à Pâques, vendus par souscription. « Ce qu’il faut absolument, c’est qu’il y en ait pour tous les goûts, c’est-à-dire une visite, un petit résumé historique, et une petite étude archéologique et technique poussée », écrit le moine à son premier auteur. Celui-ci de répondre : « Votre expression : “il en faut pour tous les goûts” me fait un peu peur. Cette valse-hésitation entre le Guide Michelin et Denys l’Aréopagite me donne un peu le vertige. » Finalement Dom Surchamp tranche : « Je tiens absolument à ce que nous allions des cartes (et non des guides) Michelin à l’Évangile […]. Sur ce point, je serai intraitable. » Cet échange incisif est rapporté par Cédric Lesec dans son article « Esthétique et apostolat » (Le Livre et l’architecte, INHA/Mardaga, 2008). Comme dans toute la correspondance, il révèle les vifs débats qui animent la publication et l’exigence très sûre de Dom Surchamp. Toutes les archives sont aujourd’hui conservées à l’Institut mémoire de l’édition contemporaine, près de Caen.

Une seconde jeunesse
Zodiaque est désormais entré dans le giron des éditions Artège, qui ont intégré l’aventure de Stéphane Bachès, devenu responsable des éditions Zodiaque. C’est à partir de l’important fonds photographique historique – lequel appartient toujours au monastère – que l’éditeur a réédité en novembre 2015 les premiers tomes, Bourgogne romane et Poitou roman. Les textes ont en revanche été écrits pour chaque titre respectivement par les universitaires et médiévistes Guy Lobrichon et Laurence Brugger. « Il n’est pas question de publier à nouveau les quatre-vingt-huit volumes de la collection « La Nuit des temps », ni d’être nostalgique de ce qui a été fait à une certaine époque. Il y a des territoires sur lesquels nous allons certes revenir, car des avancées notoires ont été réalisées par la recherche et l’archéologie. » Les titres sur la Provence et le Roussillon sont en cours d’écriture. De nouvelles régions seront intégrées comme l’Italie et l’Allemagne, déjà intéressées par le projet, ainsi que le monde clunisien, en préparation. L’auteur de ce dernier ouvrage, François-Xavier Verger, administrateur de l’abbaye de Cluny, est également celui du Choix du silence, un beau recueil des photographies en noir et blanc de Bruno Rotival prises dans le monde des moines et des moniales. Car, comme il y a cinquante ans, Zodiaque ne se contentera pas de sa collection-phare.

François-Xavier Verger, Bruno Rotival, Le Choix du silence, Zodiaque, 184 p., 34,50 €

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°688 du 1 mars 2016, avec le titre suivant : La résurrection de Zodiaque

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque