Montpellier (34)

Carole Benzaken, face à la violence

Carré Sainte-Anne jusqu’au 22 mai 2016

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 19 février 2016 - 345 mots

Telle une déconcertante carène de navire, un volume s’impose immédiatement aux regards quand on franchit le seuil de l’église Sainte-Anne, un édifice néogothique désacralisé situé au centre-ville de Montpellier.

Cette structure, nommée YOD, en référence à la dixième et plus petite lettre de l’alphabet hébraïque, et dont le tracé au sol dessine la lettre, occupe l’espace central de la nef de l’église. Elle représente la main qui féconde, qui de la mort fait ressurgir la vie. YOD est aussi l’initiale du prénom du prophète Ézéchiel, « Dieu fortifiera ». Le visiteur est invité à pénétrer dans cet espace par deux ouvertures disposées à chaque extrémité. Il découvre alors un lieu sombre, bas de plafond, une sorte de crypte irradiée par des lumières provenant de la surface de quinze cuves disposées sur le sol. Chaque module lumineux est issu de dessins aux crayons de couleur réalisés par Carole Benzaken (née en 1964) lors d’un séjour hivernal dans la forêt polonaise, puis inclus dans du verre feuilleté et rétroéclairé. Les images évoluent avec des intensités de lumière variables. Des formes de branchages semblent se muer en présences organiques où affleurent des veines à fleur de peau. Habitée par un intense désir de surgissements de vie confronté à une difficulté de la pensée face à une histoire humaine traumatique, Carole Benzaken affirme ici de denses et vives intensités. Visible à l’extérieur de YOD, Strange Fruit 2, un verre peint monté sur châssis en acier (2011), fait référence à une chanson composée en 1946 par Abel Meeropol et interprétée par Billie Holiday. « Les arbres du Sud portent un fruit étrange/Du sang sur les feuilles et du sang sur les racines/Des corps noirs qui se balancent dans la brise du Sud/Un fruit étrange suspendu au peuplier ». Tout est dit ! Dialogues entre formes et énergies multiples, fictions formelles surgissant comme d’impérieuses nécessités dépouillées de toutes présences inutiles, les ruissellements de lumières de Carole Benzaken se découvrent dans cette exposition comme autant d’évocations possibles de l’apparition du « Char de feu », célèbre épisode des visions du prophète Ézéchiel.

« YOD, Carole Benzaken »

Carré Sainte-Anne, Espace d’art contemporain, 2, rue Philippy, Montpellier (34), www.montpellier.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°688 du 1 mars 2016, avec le titre suivant : Carole Benzaken, face à la violence

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