Benji Davies au service de ses idées

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 20 janvier 2016 - 429 mots

En moins de quatre livres primés, l’illustrateur Benji Davies s’est imposé comme un incontournable de la mélancolie joyeuse dans le paysage du livre pour enfant qui séduit également l’adulte.

À quelle plume ce jeune Britannique a-t-il associé son dessin pour gagner ces galons ? La sienne, tout simplement. S’il est plus courant de rencontrer des duos où l’exigence littéraire fusionne avec un univers graphique affirmé – couples parfois hybrides issus d’éditeurs démiurges – les auteurs maîtrisant leur sujet autant sur le fond que sur la forme sont rares, mais ils existent. Davies est de ceux-là. Il a compris que servir d’autres visions que les siennes peut être certes rentable mais restrictif. Se soumettre à d’autres visions ou matérialiser des environnements pensés par d’autres, serait finalement risquer la médiocrité. Formé au cinéma d’animation à l’université de Hull, Davies fut d’abord réalisateur de film d’animation, discipline formatrice en mise en scène et où la faiblesse narrative est fatale. Aussi, quand il quitte ce médium au profit du livre, engage-t-il son expérience dans l’art séquentiel animé pour garantir une redoutable fluidité dans son récit. Quid du style, des influences de ses pairs, de sa signature graphique ? Davies ne se réclame d’aucune chapelle esthétique ni d’aucun dogme en particulier. Il évoque des profils aussi divers qu’Arnold Lobel, Gustaf Tenggren, Eric Ravilious et Marc Boutavant pour rapporter l’émotion qu’ils lui procurent. Les visites régulières dans les musées de Londres où il vit le nourrissent indirectement. Surtout dans la pratique du dessin. Sans pour autant revendiquer d’emprunts. Car c’est l’histoire qui prévaut. Le geste dessiné n’en est pas négligé pour autant. Au contraire. Un dessin très lisible et solide dont le cerné ne survit pas à la mise en couleur pour, intentionnellement, poser une ambiance aérée. Des scènes très cadrées, cinématographiques, magnifiant l’action des personnages. Une palette colorée subtile, vive sans être jamais criarde, atténuée sans être triste. Le souci de conserver la fraîcheur du premier geste. Une économie de moyens, des détails riches, mais pas de fioritures. Le tout émerge au gré des humeurs collectées dans des carnets de croquis. Benji Davies sélectionne ensuite ses protagonistes pour traiter les grands sujets de l’existence. Au bord des exploits de l’enfance. À la frontière de la perte de l’innocence. L’acceptation du deuil et la force fondamentale des heureux souvenirs familiaux dans Capitaine Papy. L’amitié et les difficultés du lien social dans Les Copains de la colline. Le respect des animaux et la confiance dans L’Enfant et la Baleine. Toute une initiation sans morale associée à une intelligence visuelle dont on aurait tort de se priver.

Benji Davies, Capitaine Papy, Milan, 30 p., 11,90 €

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°687 du 1 février 2016, avec le titre suivant : Benji Davies au service de ses idées

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