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Sérigraphies à 100 euros

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 15 décembre 2015 - 948 mots

Deux éditeurs proposent des sérigraphies d’artistes jeunes ou reconnus éditées à cent exemplaires pour cent euros. Qui a dit que l’art était nécessairement cher ?

Une sérigraphie pour 100 euros éditée à 100 exemplaires numérotés et signés ? À l’occasion du off de la Fiac, deux éditeurs – la galerie Semiose et l’atelier Tchikebe – ont proposé aux visiteurs, le premier sur Officielle, le second sur le YIA, une sélection d’artistes internationaux pointus à ce prix imbattable : Françoise Pétrovitch chez Semiose, Gilles Barbier ou Tania Mouraud chez Tchikebe, parmi les plus célèbres. « Pour la sélection des artistes, nous avons voulu être éclectiques, et mettre le projet en avant grâce à des artistes sur le devant de la scène, pour permettre au public d’en découvrir d’autres moins connus », souligne Julien Ludwig-Legardez, de l’atelier Tchikebe, à Marseille. Une occasion unique, donc, pour les néophytes de commencer une collection d’art contemporain… et pour les collectionneurs de la compléter. Un concept dans l’air du temps, puisque le marché de l’estampe (dont relève la sérigraphie, technique proche du pochoir où la couleur pure est appliquée en aplat) est en plein essor. Ce marché représente « plus d’un cinquième des lots vendus, mais seulement 3 % du volume d’affaires annuel. Ce segment dégage 244 millions de dollars cette année, soit une progression de 127 % en dix ans », indique le rapport sur le marché de l’art en 2014 d’Artprice, en précisant que « 89 % de ces œuvres se vendent pour moins de 5 000 dollars ».

L’occasion pour les éditeurs de proposer des sérigraphies, technique propulsée par Andy Warhol, pour 100 euros ? « J’ai fait en sorte que la cote n’entre pas en ligne de compte – et tous les artistes du projet ont accepté de jouer le jeu », confie Benoît Porcher, directeur de la galerie Semiose. Mais le défi est aussi technique. « Nous avons proposé un cahier des charges très précis aux artistes : trois couleurs au maximum, un format standard, le même papier pour tous… », explique Julien Ludwig-Legardez. Si les éditeurs renoncent à faire une marge importante pour ces projets, les amateurs, eux, se régalent. « Ce sont de vraies œuvres d’art, et le projet de les éditer à 100 exemplaires et de les vendre à 100 euros est un projet avant tout très joyeux. Une œuvre me plaît ? Je peux l’acheter ! », conclut Benoît Porcher. Un concept qui fait des petits puisque l’URDLA, éditeur « démocratique » d’estampes depuis 1978, installé à Villeurbanne , proposait lui aussi du 28 novembre au 23 décembre 2015 cent œuvres de cent artistes pour… cent euros !

Nicolas Boulard Du fromage au concept
Des fromages ou des formes géométriques ? Les deux – d’autant plus que ces mots sont issus de la même famille étymologique. À travers cette sérigraphie, l’artiste Nicolas Boulard, qui puise son inspiration dans les terroirs et ses savoir-faire, s’inscrit avec humour dans la veine de Sol LeWitt, maître de l’estampe : pour ce pionnier de l’art minimal et conceptuel, cette technique établissait une distance entre l’idée de l’artiste et sa manifestation plastique.
Galerie Semiose : Nicolas Boulard, 6 plans de découpe de fromage – cercle, carré, pyramide, cœur, part, bleu, sérigraphie sur papier Rivoli en une couleur, édition de 100 exemplaires signés et numérotés 70 x 50 cm, 2015.

Julien Berthier Rehaussé à la main
Cette pièce représente un circuit électronique ; sous chaque secteur, les parties, en rapport avec la psychologie humaine (joie, tristesse…), ont été nommées à la main avant d’être imprimées. À un endroit, une coupure. Là, l’artiste a tenu à marquer lui-même, au stylo-feutre rouge « The Reason Why Things Never Work as Planned » (« La raison pour laquelle les choses ne fonctionnent jamais comme prévu »). « Beaucoup de personnes ont eu un coup de cœur pour cette pièce, qui leur évoquait leur propre vie, et l’ont achetée même s’ils découvraient l’artiste », remarque Julien Ludwig-Legardez.
Atelier Tchikebe : Julien Berthier, The Reason Why Things Never Work as Planned, sérigraphie sur Rivoli 300 g, rehaussée à la main par l’artiste 70 x 50 cm, édition de 100 exemplaires signés et numérotés, 2015.


Céline Duval Que la lumière soit
C’est l’une des sérigraphies de la galerie Semiose les plus plébiscitées sur Officielle. Et pour cause, elle met en avant les effets rendus possibles par cette technique d’impression. « Contrairement à une impression classique, en quadrichromie, la sérigraphie procède par une impression directe de la couleur qu’on a préparée. Pour cette pièce, un fond argent a été posé, sur lequel a été imprimée une image tramée en couleur rose », explique Benoît Porcher. Si bien que la pièce prend la lumière, et devient claire ou sombre selon le mouvement et la position du spectateur… ce qui aurait été impossible en quadrichromie.
Galerie Semiose : documentation Céline Duval, Le Cercle, 2015, sérigraphie sur papier Rivoli en deux couleurs, édition de 100 exemplaires, tamponnés et numérotés au dos, 70 x 50 cm.

Tania Mouraud Après Pompidou-Metz
Les raisons du succès de cette pièce sérigraphique ? Sans doute la rétrospective de l’artiste au Pompidou-Metz ce printemps – d’autant plus que l’œuvre est très proche de celle utilisée pour la publicité de l’exposition, affichée dans le métro parisien. Mais surtout, le caractère cinétique de l’œuvre, et la violence de sa forme. Il s’agit d’un texte dont la typographie a été étirée dans sa hauteur. Son titre, INMWI, provient des premières lettres des cinq premiers mots. Mais interdiction de révéler la phrase, et son message social… Pour le découvrir, l’amateur doit prendre le temps de la déchiffrer.
Atelier Tchikebe : Tania Mouraud,  INMWI, sérigraphie sur Rivoli, 300 g, 70 x 50 cm, édition de 100 exemplaires, 2015.  

Où acheter ?
Galerie Semiose, 54, rue Chapon, Paris-3e, www.printsthingsandbooks.com

Atelier Tchikebe, 34, boulevard National, Marseille (13), www.tchikebe.com

L’URDLA, 207, rue Francis-de-Pressensé, Villeurbanne (69), www.urdla.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Sérigraphies à 100 euros

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