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Le nouveau Musée Unterlinden de Colmar

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 14 décembre 2015 - 972 mots

COLMART

Le 12 décembre, à Colmar, a rouvert le Musée Unterlinden, un musée à la fois rénové et étendu par les architectes Herzog et de Meuron qui offrent enfin à la collection de l’institution la possibilité d’être dévoilée.

Le 23 janvier, François Hollande et Martin Schulz inaugurent ensemble le nouveau Musée Unterlinden, à Colmar. La présence du président du Parlement européen aux côtés du chef de l’État souligne la dimension internationale revendiquée par l’établissement alsacien. Unterlinden s’est offert une refonte totale : architecture, muséographie et urbanisme. Le musée, installé depuis 1853 dans l’ancien couvent des Dominicaines, sur le lieu-dit Unterlinden (« sous les tilleuls »), s’est imposé comme l’un des plus fréquentés de la région avec près de 200 000 visiteurs annuels. Or, ses infrastructures n’étaient pas à la hauteur de ses ambitions, ses espaces saturés ne répondant plus aux normes de confort et d’accessibilité. Plus préjudiciable encore, un pan entier des collections était confiné en réserve. « L’art moderne n’était visible que la moitié de l’année », rappelle Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice en charge de ce fonds. « La galerie souterraine construite pour présenter la collection étant aussi dévolue aux expositions temporaires, il fallait régulièrement la décrocher. Ce n’était satisfaisant ni en termes de conservation ni de présentation. »

Des architectes prestigieux
Pour résoudre ce problème, le couvent a été intégralement dédié à l’art ancien, tandis qu’une extension a été édifiée pour déployer les collections modernes et les expositions. Un chantier de 42,5 millions d’euros confié aux architectes Herzog & de Meuron, lauréats du prix Pritzker et auteurs, entre autres, de la Tate Modern à Londres. L’agence a en outre requalifié l’environnement du musée, notamment les anciens bains municipaux et la place Unterlinden où le canal de la Sinn a été rouvert. Les bains, fermés en 2003 et affectés au musée, hébergent désormais les services administratifs, une bibliothèque et une salle événementielle. L’extension d’environ 1 000 m2 est habillée de briques et couverte de cuivre. « Elle s’inspire de la volumétrie de la chapelle du couvent, précise Christoph Röttinger, directeur du projet. L’idée était d’évoquer une construction archaïque en évitant à la fois le pastiche et le geste architectural. » Résultat, un beau bâtiment de caractère dont la façade tout en nuances contraste joliment avec son cadre patrimonial. L’extension, presque invisible depuis la place Unterlinden, est reliée au couvent du XIIIe siècle par une galerie souterraine. Sur la place, une construction reprenant les mêmes matériaux que le nouveau pavillon agit comme une signature.

Cette « petite maison » est en revanche moins réussie. Sans fonction autre que celle d’accrocher le regard, elle obstrue inutilement la vue sur cette place enfin retrouvée, occupée autrefois par la gare routière et l’office du tourisme. Elle ne valorise pas non plus la façade nord du cloître, nouvelle entrée du musée dont la restauration est au contraire un franc succès. Les différentes strates historiques qui la composent ont été harmonisées et l’espace intérieur a gagné en luminosité grâce aux nouvelles ouvertures sur le jardin du cloître. Cet espace élégant et chaleureux abrite l’accueil, la boutique, le vestiaire et une salle pédagogique, ainsi qu’un espace d’orientation qui dévoile les différents parcours.

Un parcours étendu et repensé
La visite débute dans le cloître où les salles d’art ancien ont été refondues. « Le précédent accrochage, organisé en fonction des techniques, était peu propice à la pédagogie, avance Pantxika de Paepe, directrice du musée. Nous avons donc opté pour une muséographie transversale où chaque salle correspond à un instant T de l’histoire de l’art, en mêlant peintures, sculptures et objets d’art. » Le circuit commence au XIVe dans le Rhin supérieur, région qui s’étend de Bâle à Strasbourg. Les premières salles s’intéressent au gothique international, puis à l’émergence de personnalités aux styles plus caractéristiques tels Jost Haller et, enfin, à Martin Schongauer. Cet artiste majeur du XVe, dont le musée conserve la plus riche collection, ne bénéficiait pas de salle spécifique. Un focus présente maintenant ses œuvres ainsi que sa postérité sur l’ensemble de la sphère artistique.

Les salles égrainent ensuite l’histoire : le gothique tardif en Alsace, puis la sculpture à Bâle et à Ulm, avant d’arriver à la chapelle. Saint des saints consacré au retable d’Issenheim. De là, le visiteur peut accéder au premier étage, où l’attendent les anciennes salles d’arts décoratifs et de traditions populaires, ou descendre à l’entresol où le XVIe siècle est notamment abordé avec Cranach. Le parcours remonte ensuite les siècles à travers l’archéologie locale du Moyen Âge au néolithique. Le public découvre alors la galerie souterraine reliant le couvent à l’extension, un espace de transition segmenté en trois parties. Une première retrace l’histoire d’Unterlinden, suivie d’une section qui en trois œuvres emblématiques – Schuler, Rouault et Monet – résume les axes du musée : la mystique rhénane, la religion et la modernité. La galerie s’achève sur une salle XIXe-XXe axée sur le paysage et la représentation de la figure mariant écoles alsaciennes et avant-gardes. Un escalier dessert ensuite les trois niveaux du nouveau pavillon, deux étages consacrés aux collections couronnés d’une grande salle d’exposition temporaire. Le rez-de-chaussée embrasse la création de 1930 à l’immédiat après-guerre. Bien qu’essentiellement consacrée à l’École de Paris, la salle s’ouvre sur la monumentale tapisserie Guernica, désormais exposée en permanence grâce à un caisson vitré. Cette pièce exécutée par Jacqueline de la Baume-Dürrbach à la demande de Picasso fait face aux tableaux du peintre andalou. L’étage noble continue de dérouler le fil chronologique.

À l’exception d’un focus sur Jean Dubuffet, qui jouit d’un espace personnel, le premier étage fait la part belle aux mouvements abstraits depuis 1950. Il propose notamment de belles pièces des ténors de l’Abstraction lyrique, dont d’immenses peintures d’Olivier Debré et de Georges Mathieu, des tableaux relégués pendant des décennies en réserve qui sont presque à eux seuls un plaidoyer en faveur de cette extension longuement attendue.

Grünewald et le retable d’Issenheim. Regards sur un chef-d’œuvre, sous la direction de Pantxika de Paepe, coédition Musée Unterlinden/Somogy, 2015, 280 p., 39 €.

Ouverture le 12 décembre du Musée Unterlinden, place Unterlinden, Colmar (68), www.musee-unterlinden.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Le nouveau Musée Unterlinden de Colmar

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