Patrimoine

En Poitou-Charentes, un patrimoine exceptionnel

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 19 novembre 2015 - 990 mots

POITOU-CHARENTE

Riche en musée, la région se distingue par son patrimoine exceptionnel, avec de nombreux sites inscrits aux monuments historiques et, pour certains, classés au Patrimoine mondial de l’humanité. Et des découvertes se font encore…

La situation géographique et l’histoire de la région l’ont dotée au fil des siècles d’un patrimoine riche et varié. D’importants témoignages de son passé industriel jalonnent ainsi le territoire tout comme un considérable patrimoine maritime. Le Poitou-Charentes compte 2 202 édifices protégés au titre des monuments historiques. Le Moyen Âge se taille la part du lion avec 52 % de ce corpus et l’art roman est le mieux représenté avec 800 églises protégées. L’importance de ce patrimoine est identifiée de longue date. La moitié des bâtiments régionaux inscrits sur la première liste des monuments historiques en 1840 sont romans. Ils jouissent dès lors d’une grande renommée pour la beauté de leur architecture et de leur décor peint. Le Moyen Âge constitue effectivement une période faste dans l’histoire de la région. Les comtes de Poitou et les ducs d’Aquitaine exerçaient leur pouvoir sur une grande partie de l’ouest de la France et la région était un carrefour culturel et économique puisqu’elle comptait plusieurs étapes sur le chemin menant à Saint-Jacques-de-Compostelle. Depuis 1998, six de ces étapes sont d’ailleurs inscrites au Patrimoine mondial de l’humanité : les églises Saint-Hilaire de Poitiers et de Melle, Saint-Pierre d’Aulnay et Saint-Eutrope de Saintes ainsi que l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély et l’hôpital des pèlerins de Pons.

Des chefs-d’œuvre du patrimoine
En dehors de ces prestigieux monuments, la région possède une foule de chefs-d’œuvre, à l’instar de la collégiale Saint-Pierre de Chauvigny. L’église renferme un superbe ensemble de chapiteaux historiés, peints et particulièrement expressifs. Ils illustrent des épisodes de l’enfance et de la vie publique du Christ, mais surtout d’étonnantes scènes apocalyptiques. Le programme iconographique abonde en monstres terrifiants qui devaient impressionner les fidèles. Tout comme celui de la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême, autre site emblématique. Elle a été érigée dans la première partie du XIIe siècle sur un plan inhabituel dans la région : le couvrement à file de coupoles. Elle présente une autre innovation : une façade entièrement sculptée, dédiée au Christ triomphant et au Jugement dernier. Puissamment structurée, elle est animée par un décor luxuriant qui envahit tout le monument. L’édifice a été profondément remanié dans les années 1850 dans une orientation néo-romane et vient de bénéficier d’une grande campagne de restauration financée par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) portant majoritairement sur l’intérieur du bâtiment et visant à mieux valoriser ces transformations du XIXe siècle. Ce chantier s’accompagne d’une importante commande publique passée à Jean-Michel Othoniel. L’artiste a investi les salles du trésor d’art liturgique et a scénographié cet espace en introduisant massivement la lumière et la couleur. Fidèle à sa signature, il a abondamment recouru aux perles de verre et a aussi conçu un grand vitrail.

Saint-Savin-sur-Gartempe, la « Sixtine de l’époque romane »
Parmi les trésors picto-charentais, un brille avec une force particulière : l’abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe. Si une vingtaine d’églises ont conservé une partie de leurs peintures murales, celle-ci affiche une envergure inégalée. Son décor exceptionnel des XIe et XIIe siècles est tout simplement le plus vaste ensemble de peintures murales romanes connu en France. Les différentes parties de l’église ont conservé l’essentiel de leur programme iconographique. Le clocher-porche est orné de scènes de la Passion et de l’Apocalypse, tandis que les peintures de la crypte retracent la vie des saints Savin et Cyprien qui y reposent. La voûte de la nef, couverte d’épisodes vétéro-testamentaire, constitue une superficie peinte de 460 m2 à 17 m du sol. Si les différentes scènes qui la composent étaient mises bout à bout, elles formeraient une frise de 168 m de longueur sur plus de 2,5 m de haut !

Pour toutes ces raisons, ce joyau, baptisé la « Sixtine de l’époque romane » par Malraux, figure sur la première liste des monuments historiques et est inscrit depuis 1983 au Patrimoine mondial de l’humanité. Dès sa redécouverte au XIXe siècle par Prosper Mérimée, le lieu a fait l’objet de plusieurs campagnes de restauration. Une opération portant sur la nef et les bas-côtés s’est achevée en 2008 et un nouveau chantier est en cours depuis deux ans. Cette phase se concentre sur le chœur et le déambulatoire, deux espaces ornés de peintures datant majoritairement du XIXe siècle avec quelques vestiges médiévaux.

Un trésor gothique redécouvert à Poitiers
À cet inventaire, déjà remarquable, il faut ajouter une découverte récente. 600 m2 de peinture gothique ont été identifiés sur les murs de la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers en 2012. Un ensemble d’une ampleur hors norme et quasi unique dans une cathédrale française. Une série de sondages a été réalisée lors de travaux menés sur la voûte du transept sud de l’édifice classé. 55 fenêtres ont été ouvertes sous le badigeon blanc du XVIIIe siècle pour permettre de déterminer que les peintures murales du début du XIIIe étaient présentes sur la totalité des maçonneries et que le décor était presque complet, bien que fragilisé à certains endroits. En janvier 2015, le dégagement des peintures a commencé. Cette opération a mis au jour quatre grandes scènes : une représentation du sein d’Abraham, un couronnement de la Vierge, un Christ juge ainsi qu’une pluie d’étoiles. Les personnages sont de dimensions monumentales et proches du style dit de saint Louis.
Les peintures se distinguent par leur qualité d’exécution et le raffinement apporté aux détails. La finesse du dessin, la préciosité des pigments utilisés et la variété des coloris en font un ensemble extraordinaire. Les couleurs utilisées sont en effet assez originales. Encore relativement fraîches, elles permettent d’apprécier des nuances rares de rose, de mauve, d’orange et de vert. Initialement, le décor devait répondre aux vitraux historiés qui lui sont contemporains. Le chantier mené par la Drac porte également sur la restauration des vitraux. Une fois achevé, il permettra de redécouvrir un monument transfiguré par cette harmonie chromatique retrouvée.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : En Poitou-Charentes, un patrimoine exceptionnel

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