La part des anges et des démons

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 19 novembre 2015 - 411 mots

BEAU LIVRE - La foi peut déplacer des montagnes. À sa manière, l’amour de l’art aussi. En tout cas, il faut avoir foi en l’art pour s’être attaqué à la réalisation d’un monument aussi imposant qu’Angelus & Diabolus, qui aura demandé cinq années de travail à Maria-Christina Boerner, Rolf Toman (les auteurs) et Achim Bednorz (le photographe), et qui paraît aujourd’hui chez Citadelles & Mazenod pour l’édition française.

Les informations techniques parlent à elles seules de l’ampleur de l’ouvrage : 808 pages dans un format exceptionnellement grand chez l’éditeur (28,8 x 43,8 cm), dont quelques pages pliantes réservées à la reproduction d’étourdissants détails ; 820 illustrations reproduites avec une qualité d’impression irréprochable, pour ne pas dire inégalée ; une reliure impeccable agrémentée d’un ruban marque-page et livrée dans un coffret valise permettant de transporter l’encombrant objet. Voilà pour la forme.

Pour le fond, Angelus & Diabolus étudie les anges, les diables et les démons dans l’art chrétien occidental, de l’Antiquité à Anselm Kiefer – la peinture comme la sculpture, ce qui est suffisamment rare pour être ici souligné. Autrement dit, ce livre s’intéresse aux seconds rôles de l’art, ces personnages qui servent de médiateurs entre la terre et le ciel, entre la condition humaine et Dieu. Ce sont eux, par exemple, qui accompagnent les âmes dans leur destination finale : le paradis ou l’enfer. Encore eux qui servent de messagers sur terre à Dieu et au diable – si le diable apparaît dans les saintes Écritures, la Bible ne parle pas de l’existence des démons, pas plus qu’elle ne donne d’explication sur l’origine des anges.

Leur plasticité – les ailes pour les uns, les trognes pour les autres – a séduit les meilleurs pinceaux comme les ciseaux les plus habiles, autant qu’elle leur a permis de représenter ce qui est de l’ordre de l’invisible. Chez Caravage, saint Matthieu reçoit l’inspiration divine d’un ange pour rédiger son Évangile, quand les démons fantastiques permettent au sculpteur de dissimuler les chapiteaux de l’église Saint-Pierre à Chauvigny. Passionnant, le texte emmène le lecteur dans les zones intermédiaires de l’art et du sacré, l’éclairant tantôt sur le sexe des anges (jeunes hommes ou chérubins) et leur demeure, tantôt sur l’impuissance du diable (le « Pauvre diable ») et sur les formes originelles du Malin (serpents et dragons). Les auteurs racontent autant une histoire de l’art, qu’une histoire des croyances et de l’acte théologique. Sans doute le plus beau livre paru cette année, le plus original aussi.

Maria-Christina Boerner, Rolf Toman (textes) et Achim Bednorz (photos), Angelus & Diabolus, Citadelles & Mazenod, 808 p., 290 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : La part des anges et des démons

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