Symbole, politique

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 17 novembre 2015 - 667 mots

Symbole
La chose est entendue : les symboles comptent souvent plus que les faits. Avant l’ouverture en octobre dernier de sa 42e édition, la Fiac, la Foire internationale d’art contemporain, elle, ne le savait apparemment pas.
Qui allait reprendre l’emplacement historique –  et stratégique – d’Yvon Lambert, après la fermeture de sa galerie et sa dernière participation à la foire en 2014 ? La question était dans toutes les têtes : une galerie française ou une galerie étrangère ? Une galerie d’art moderne ou d’art contemporain ? Une jeune enseigne ou une enseigne installée ? Bref, qui allait dignement succéder au grand Lambert ?  Eh bien, c’est la galerie mexicaine Kurimanzutto, galerie fondée à la fin des années 1990 pour soutenir la création contemporaine mexicaine, qui a décroché la timbale, ce qui n’a pas manqué de provoquer un vif émoi au sein des galeries françaises. « C’est un peu comme si la France perdait son siège à l’ONU au profit d’un pays émergent », déplore l’une d’elles, dont les propos ont été rapportés par le journal Les Échos. Il est vrai que cette décision tombe au plus mauvais moment, l’année où le contingent d’exposants nationaux n’a jamais été si peu visible à la Fiac. Tout un symbole ! Car de bonnes galeries françaises, à l’instar d’Anne de Villepoix, Laurent Godin, Claudine Papillon, Praz-Delavallade, Jean Fournier et d’autres, n’ont en effet pas été retenues en 2015. Et pour celles qui l’ont été, beaucoup ont été reléguées aux extrémités de la Fiac, comme les galeries Nathalie Obadia, Georges-Philippe et Nathalie Vallois et Hervé Bize. Là encore, tout un symbole ! Car comment asseoir la notoriété des galeries françaises – et avec elles celle des artistes français –, quand leur foire « nationale » ne les défend pas à Paris aux yeux du monde ? Quand aucune galerie n’est capable de reprendre le flambeau d’Yvon Lambert ? C’est en tout cas le message qui a été envoyé, volontairement ou non, par la Fiac aux acteurs du marché de l’art. Un message qui dépasse les seuls enjeux économiques de l’événement, qui sont désormais bien plus politiques qu’artistiques.

Politique
Olafur Eliasson, dont nous avons choisi The Weather Project pour illustrer notre couverture ce mois-ci, œuvre iconique de l’artiste danois qui fut présentée à la Tate Modern en 2003 (un sublime soleil recréé dans l’immense Turbine Hall du musée londonien), présente à partir du 29 novembre son projet Ice Watch place de la République à Paris pour l’ouverture de la COP21, la conférence des Nations unies sur le climat. L’installation se compose de douze blocs de glace amenés par bateau depuis l’océan Arctique, et qui seront disposés en cercle pour dessiner le cadran d’une horloge. La symbolique ne souffre aucune ambiguïté : le compte à rebours de la fonte des glaces, signe le plus visible et le plus médiatique du réchauffement climatique, a commencé. C’est l’une des propositions artistiques fortes, parmi les dizaines d’autres programmées en décembre du Grand Palais à la Villette dans le cadre de la COP21. Simple, simpliste même, diront les mauvaises langues qui critiqueront la dimension trop littérale du projet… Et ils auront raison. Pourtant, Olafur Eliasson ne peut pas être accusé de facilité, ni même taxé d’opportunisme sur un sujet dont il a fait le cœur de son travail et de son engagement. La preuve avec Little Sun, une lampe LED solaire en forme de petit soleil dont l’artiste est à l’origine de la création et de la diffusion, et qui permet d’amener la lumière chez des familles qui n’ont pas accès à l’électricité ou qui ne peuvent pas acheter le pétrole nécessaire à leur éclairage. Projet écologique et social, Little Sun est aussi un multiple d’artiste et une installation plus spectaculaire quand il est placé, comme ce mois-ci, au centre d’une performance au Grand Palais. Voilà le défi que doit relever l’artiste quand il s’engage en faveur de l’écologie : parvenir à mettre le symbolique au service du politique afin, cette fois, qu’il se traduise dans les faits.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : Symbole, politique

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