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La photo d’actualité

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 22 octobre 2015 - 916 mots

Depuis quelques années, la photographie
de reportage pique la curiosité des collectionneurs… Paris Photo et ses off sont l’occasion de (re)découvrir
ce marché en plein essor.

Une foire consacrée uniquement à la photographie d’actualité ? C’est le défi que s’est lancé cette année What’s up Photo Doc, toute jeune foire du off de Paris Photo. « Notre pari : montrer des photographes qui donnent un point de vue engagé sur les grandes questions du monde actuel… et qui prennent de l’importance depuis cinq ans dans les galeries », explique Charlotte Flossaut, directrice artistique de l’événement. Car l’image d’actualité a le vent en poupe. Magnum Gallery exposera comme chaque année à Paris Photo les photojournalistes de l’agence Magnum qu’elle représente : « L’agence a une activité de vente de tirages depuis le milieu des années 1990. Mais, depuis trois ou cinq ans, les gens sont de plus en plus intéressés, notamment par les jeunes journalistes qui suivent un événement, et non plus seulement pour des clichés classiques comme ceux d’un Henri Cartier-Bresson. L’an dernier, nous avons senti un frémissement particulier », observe India Dhargalkar, directrice de Magnum Gallery à Paris. D’ailleurs, les galeries d’art contemporain s’intéressent désormais elles aussi à la photographie d’actualité, même si elle n’émane pas de journalistes – à l’instar d’Air de Paris, qui expose une partie de la série des Migrants de Calais de Bruno Serralongue.

L’ouverture de la galerie VU en 1998 et de celle de Magnum en 2007 témoigne de l’entrée de la photographie dans le marché de l’art dès la fin des années 1990. Selon Art Price, le chiffre d’affaires du marché des tirages issus de la photographie de reportage a été multiplié par quatre entre 2000 et 2006, atteignant alors 11 millions d’euros, avec un engouement particulièrement manifeste aux États-Unis (51 % du chiffre d’affaires), en France et en Grande-Bretagne. « Aujourd’hui, les photographies de presse représentent près d’un tiers des catalogues de vente », observe Simone Klein, directrice du département des photographies chez Sotheby’s. Forts de cet intérêt pour l’image d’actualité et le retirage de photographies publiées dans les médias, de plus en plus de photographes issus du photoreportage se positionnent désormais sur le marché de l’art, avec des démarches non plus seulement de journalistes, mais aussi d’auteurs, à l’instar du Britannique
Martin Parr ou des Français Luc Delahaye ou Guillaume Herbaut.

Icône de la presse
Un soldat qui doute, fatigué. Ce cliché de la guerre du Viêtnam a fait la une de la presse internationale. Son auteur, Gilles Caron, fondateur de l’agence Gamma avec Raymond Depardon en 1967, est exposé cette année pour la première fois à Paris Photo. « Le marché est en train de se construire. Depuis 2007, la fondation qui porte son nom valorise son travail et le fait reconnaître comme une œuvre. De plus en plus de musées se positionnent », explique le galeriste Olivier Castaing. Aujourd’hui, un retirage se négocie environ entre  3 500 euros pour un petit format (30 cm x 40 cm) édité à 12 exemplaires et 7 000 euros pour un grand format (60 cm x 80 cm) en 6 exemplaires.
Gilles Caron.
Prix : 9 000 euros, School Gallery Paris.


L’actualité… hors presse
Si les migrants de Calais font depuis quelques mois la une des médias, Bruno Serralongue les photographie depuis 2008. « S’il représente des événements d’actualité, Bruno Serralongue n’est pas un photoreporter : il ne s’inscrit pas dans le circuit de l’information, mais de l’art », indique sa galeriste Florence Bonnefous. Pas de retouche ou de recadrage, jamais de zoom, des photographies tirées parfois un ou deux ans après leur prise et un format différent – jusqu’à 120 cm sur 165.
Bruno Serralongue, Groupe d’hommes (le petit déjeuner), dans le « bidonville d’État » pour migrants à Calais, jeudi 16 avril 2015.  Tirage pigmentaire sur papier Hahnemühle, capot Plexiglas 51 x 62,5 cm, édition de 5. © Bruno Serralongue Courtesy
Air de Paris, Paris.
Prix : environ 8 000 euros, Air de Paris, Paris.


Contre la censure
Pas de liberté de la presse en Chine ? Mo Yi capture la réalité de son pays – même lorsque les figures apparaissent tristes, apathiques, loin de l’épanouissement social qu’exaltent les idéologues chinois, comme ici, après les événements de la place Tian’anmen… La première exposition personnelle de Mo Yi a eu lieu pour la première fois à l’étranger, à Tokyo, au Zeit-Photo Salon, en 1996. Lauréat de la Fondation Manuel Rivera-Ortiz pour la photographie et le film documentaire en 2015, il sera mis cette année à l’honneur à What’s up Photo Doc, avec des retirages non numérotés, Mo Yi n’étant pas encore dans une démarche de marché.
Mo Yi .
Prix : entre 3 000 et 6 000 euros.


By Magnum
Ce cliché de mineurs ukrainiens a été pris par Jérôme Sessini, photoreporter de l’agence Magnum, en marge d’un reportage sur les événements en Ukraine. Si cette photographie n’a pas été publiée dans la presse, la galerie Magnum a décidé de l’introduire sur le marché de l’art. « Depuis quelques années, les collectionneurs s’intéressent de plus en plus à la production de jeunes photojournalistes, et ce même si les images sont dures », explique India Dhargalakar, directrice de Magnum Gallery. Si les prix et les formats de cette série pour Paris Photo n’ont pas encore été fixés au moment de la rédaction de cet article, l’an dernier, des photographies d’une série – très différente – de ce photoreporter étaient proposées autour de 4 800 euros.
Jérôme Sessini, Ukraine.
Donetsk. November 28, 2014. 
Magnum Gallery, Paris.
 

« Paris Photo »
du 12 au 15 novembre 2015. Grand Palais, Paris-8e.
www.parisphoto.com

« What’s up Photo Doc »
du 12 au 15 novembre 2015. La Bellevilloise, Paris-20e.
www.whats-up-photodoc.com

« Fotofever »
du 13 au 15 novembre 2015. Carrousel du Louvre, Paris-1er.
www.fotofeverartfair.com

Vente chez Sotheby’s Paris, avec des photographies de reportage d’Elliott Erwitt, Diane Arbus et Sebastião Salgado, le 13 novembre 2015. www.sothebys.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°684 du 1 novembre 2015, avec le titre suivant : La photo d’actualité

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