Le Lyon de l’art contemporain

L'ŒIL

Le 26 août 2015 - 1308 mots

Le 10 septembre, la planète art contemporain
a rendez-vous à Lyon pour la quinzième édition
de la Biennale de Lyon. Programmée une année
sur deux, en alternance avec la Biennale de danse,
la biennale «Â art » anime l’ancienne capitale des Gaules tout en ayant une «Â résonance » au-delà, jusqu’à Chambéry, Vénissieux et Firminy. Pour l’occasion, L’Œil consacre un dossier de plusieurs pages à cet événement international. par la rédaction

Depuis trente-deux ans, un homme gouverne la présence institutionnelle de l’art contemporain à Lyon : Thierry Raspail. Celui-ci y a successivement préfiguré puis mis en place le Musée d’art contemporain (le Mac), imaginé dès 1984 une manifestation périodique d’abord appelée « Octobre des arts », puis transformée en « Biennale de Lyon » à partir de 1991. Ils sont rares les responsables culturels à rester aussi longtemps à la même place. Suffisamment pour qu’on souligne ce fait et relève que cela se traduit ordinairement par la création d’une situation singulière et puissante. Tel est du moins le cas de la Biennale de Lyon que dirige Thierry Raspail parallèlement au Musée d’art contemporain.

Une pièce en trois actes construite autour du mot « moderne »
Rappel d’un fonctionnement. Depuis sa création, la Biennale de Lyon repose sur une base conceptuelle qui lie trois éditions successives à un mot. Après ceux d’« Histoire », de « Global », de « Temporalité » et de « Transmission », Thierry Raspail a choisi de placer le cinquième cycle qui commence cette année sous le label de « Moderne ». Ce mot guide d’abord le directeur artistique dans le choix du commissaire invité. Pour inaugurer le premier acte du nouveau cycle, il a sollicité les services de Ralph Rugoff, directeur de la Hayward Gallery de Londres. Trois raisons, dit-il, ont motivé son choix. La première : l’intérêt des expositions, à la fois inattendues et précises, que celui-ci y développe depuis plusieurs années. La deuxième : le fait qu’un group show comme la biennale est réussi s’il offre au public, comme en est convaincu Rugoff, « de créer de nouvelles connexions, de découvrir des territoires qui excèdent ce que contiennent nos têtes à tout moment ». Enfin, troisième et dernière raison : « C’est la façon qu’a Ralph Rugoff d’être curieusement européen, explique Thierry Raspail, en assumant une modernité cahotante, réinscrite depuis peu dans toutes ces modernités hybrides qui poussent nos portes. »

Intitulée « La vie moderne », la Biennale de Lyon signée Rugoff ne se veut en aucune manière une énième interrogation sur la question du modernisme. Observant que le concept de « moderne » a davantage résisté que celui de « postmoderne » et que, dans le langage courant, il est utilisé pour désigner le « nouveau », le commissaire invité considère que « la seule dimension historique cruciale du “moderne” qui perdure actuellement [est] sa capacité à mettre en doute. » Soit, précise-t-il, « de contester sans cesse le nouveau “normal”, c’est-à-dire de reconsidérer et d’étudier les relations que nous entretenons les uns avec les autres, avec nos images, avec le monde qui nous entoure et les avancées technologiques, notamment. » Voilà qui est dit. « Les œuvres exposées refléteront, ajoute Ralph Rugoff, les mutations permanentes tout comme les changements récents auxquels sont soumis nos scénarios de “vie quotidienne” ainsi que nos manières de voir et de penser. »
À découvrir donc.

La Biennale de Lyon, c’est chaque fois tout un ensemble de manifestations dont l’exposition du commissaire invité est le noyau dur. Si la soixantaine d’artistes qu’il a réunis dans « La vie moderne » sont répartis sur le Musée d’art contemporain, La Sucrière et (nouveauté de cette édition) le Musée des Confluences, le Plateau de l’hôtel de région Rhône-Alpes en accueille quant à lui une vingtaine d’autres que Thierry Raspail a rassemblés dans une exposition intitulée « Ce fabuleux monde moderne ». Par ailleurs, comme il en est depuis 2003, Rendez-vous propose au visiteur une plateforme internationale dédiée à la jeune création, associant en qualité de direction artistique la Biennale de Lyon, le Mac, l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne/Rhône-Alpes et l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon. Vingt artistes – dix Français et dix autres proposés par dix biennales dans le monde – plus un graphiste sont les invités de ce Rendez-vous 15, ce qui compose un parcours très prospectif, unique en son genre. Quant à « Résonance », comme son nom l’indique, son programme doit créer des échos à la Biennale dans et autour de Lyon, à Firminy, Vénissieux, Villeurbanne, Vienne, Chambéry et dans le Hameau de Lacoux.

Enfin, Veduta, créée en 2007, est l’occasion de poser la question simultanée de la création et de la réception en inventant toutes sortes de formes participatives en complicité avec différentes villes et lieux privés de la métropole lyonnaise. Pour 2015, il s’agit de mettre en jeu les collections du musée en relisant l’histoire entre la Biennale et le Mac. Une façon pour le moins synergétique de faire vivre l’art contemporain en le mettant non seulement à la portée de tous mais, pour certains, chez eux, même.Philippe Piguet

La sucrière
À la Sucrière, ancienne usine à sucre sur les bords de la Saône, l’actualité et la violence du monde contemporain hantent les œuvres des vingt-huit artistes présentés. Kader Attia présente une nouvelle installation vidéo inspirée de l’horreur de l’attentat de Charlie Hebdo. Andra Ursuta évoque l’immigration dans sa sculpture Commerce Extérieur Mondial Sentimental et Andreas Lolis dévoile son Monument to the Greek Crisis pour parler de la précarité de l’économie mondiale. De l’international à l’échelle locale, Marinella Senatore et Jeremy Deller présentent, eux, des œuvres créées avec les habitants de Lyon. À leurs côtés, on retrouve également Michel Blazy et Céleste Boursier-Mougenot, qui représente notamment la France à la Biennale de Venise cette année.

Musée d’art contemporain de lyon (mac)

La surconsommation et les conséquences des nouvelles technologies, symptômes du monde contemporain, sont au programme des quelques œuvres présentées au Mac parmi celles des vingt-six artistes réunis dans ce deuxième lieu de la Biennale. Ed Ruscha et Xiangyu He évoquent les déchets laissés au bord des routes ou par la culture du coca ; pour l’artiste taiwanais Lai Chih-Sheng, ceux laissés par la production de son installation font œuvre. Enfin, la technologie poussée au bout de ses capacités est au cœur de l’œuvre par le duo français Fabien Giraud et Raphaël Siboni.

Musée des confluences
Inauguré en décembre 2014, le Musée des Confluences reçoit pour sa première participation à la Biennale une œuvre d’un pionnier de l’art vidéo dans son pays, l’artiste taiwanais Goang-Ming Yuan. L’œuvre intitulée Before Memory est une installation vidéo projetée sur quatre écrans. Ce film sur la désolation et le chaos a été tourné en 2004 dans un immeuble abandonné de Taipei, dominant un site minier en ruine près de l’étonnante baie à la mer jaune et bleue de Yin Yang Sea.

Rendez-vous 15 à l’IAC

Cette année, c’est le graphiste Alaric Garnier, diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, qui a conçu le site Internet et le catalogue, œuvres à part entière de ce « Rendez-vous 15 », la plateforme dédiée à la jeune création. Les commissaires des biennales de Dakar, Fukuoka, Gwangju, Istanbul, Kochi-Muziris, La Havane, Los Angeles, Shanghai, Sharjah et Thessalonique ont été invités à proposer chacun un artiste, parmi lesquels Sidi Diallo, Daniel R. Small ou encore Anastasis Stratakis, aux côtés des dix artistes français choisis par la Biennale de Lyon.

Hôtel de région
L’espace d’exposition de l’Hôtel de région Rhône-Alpes accueille l’exposition « Ce fabuleux monde moderne » qui retrace les trente années d’acquisitions du Musée d’art contemporain de Lyon, liées à la Biennale et aux expositions personnelles des artistes présentés. Comme Ed Ruscha et son œuvre de 1977 The Back of Hollywood, le duo Marina Abramović et Ulay se hurlant dessus dans la vidéo AAA-AAA et le graffiti de Jean-Michel Basquiat et Henry Flynt signé The SAMO acquis à l’issue de la Biennale de 1993. C’est à la suite de la Biennale de 2000 que les portraits des Maoris en costumes et tatouages traditionnels du Néerlandais Hans Neleman entrent, eux, dans les collections. Trois décennies d’une belle histoire entre le musée et la Biennale.

Du 10 septembre au 8 novembre 2015. Institut d’art contemporain Villeurbanne/Rhône-Alpes. Du mercredi au vendredi de 14 h à 18 h et le samedi et dimanche de 13 h à 19 h. Tarifs : 6 et 4 €.
rendez-vous-biennale.com

« Ce fabuleux monde moderne »,
du 10 septembre 2015 au 3 janvier 2016. Le Plateau, à l’Hôtel de région Rhône- Alpes. Du mardi au vendredi de 11 h à 18 h et le samedi et dimanche de 11 h à 19 h. Entrée libre.
www.biennaledelyon.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°682 du 1 septembre 2015, avec le titre suivant : Le Lyon de l’art contemporain

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