Sur la plage, des matériaux de peu

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 22 juin 2015 - 326 mots

Les bois flottés de Jean Arp
« Le hasard est ma matière première » : fameuse, la sentence de Jean Arp (1886-1966) résume sa pratique dadaïste du début des années 1920, celle qui le voit arpenter rues, places et parcs pour récupérer des objets égarés, oubliés. Cette esthétique du rebut culmine à l’été 1920 alors que l’artiste rejoint Kurt Schwitters à Hanovre afin de gagner l’île de Sylt, où les accompagne Sophie Taeuber. Là, Arp parcourt la plage et collecte les bois que recrache cette mer du Nord, comme autant de vestiges d’une vie anonyme (Trousse du naufragé, 1920-1921). L’artiste, qui les dispose ensuite méthodiquement sur des supports rigides en les rehaussant parfois de quelque peinture, leur confère une noblesse inattendue (Trousse d’un Da, 1920-1921). Ces assemblages, nés sur une plage septentrionale, évoquent les expériences passées du Franco-Allemand qui, trois ans plus tôt, avait dessiné « au pinceau et à l’encre de Chine des branches cassées, des racines, des herbes et des pierres que le lac avait rejetées au rivage ». Le ressac et la marée, sources fécondes.
www.fondationarp.org

Les tableaux de sable d’André Masson
À l’automne 1926, André Masson (1896-1987) entreprend depuis Sanary-sur-Mer une douzaine de toiles étonnantes et respectueuses de « l’automatisme psychique » auquel invite son ami Breton : sur chacune d’elle, l’artiste a projeté des giclées de colle puis disposé du sable qui, une fois le support relevé, s’accroche là où bon lui semble (Lancelot, 1927). Ces œuvres aléatoires ne sont pas sans évoquer les lavis chinois de la période Song (X-XIIIe siècles). Le hasard, cet empire du Milieu.


Les grains microscopiques de Vik Muniz
Enfin. Après quatre années de recherche, Vik Muniz (né en en 1961) et l’ingénieur Marcelo Coelho sont parvenus à concrétiser leur idée folle : graver sur un grain de sable des images d’Épinal. Par un procédé extrêmement sophistiqué, l’artiste brésilien bouleverse ainsi les échelles et réduit le gigantesque à de l’imperceptible. Et le microscope de devenir l’instrument d’une intime vision.
vikmuniz.net 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°681 du 1 juillet 2015, avec le titre suivant : Sur la plage, des matériaux de peu

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