Art contemporain

La Réunion, l’île aux parfums d’éden

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 13 mai 2015 - 1383 mots

ÎLE DE LA RÉUNION

Depuis sa découverte au XVIe siècle, La Réunion ne cesse d’éblouir ses visiteurs par l’incroyable diversité de ses paysages. Une route des jardins et des musées est d’ailleurs à l’étude.

La Réunion, île de 2 500 km2, jouit d’un environnement profondément original conjuguant forêts tropicales, savanes et paysages lunaires de ses volcans : les pitons des Neiges et de la Fournaise. Pour embrasser les multiples visages de cette île caméléon, les touristes les plus fortunés optent de plus en plus pour son survol en hélicoptère. L’expérience est en effet spectaculaire, car elle synthétise la polysémie de ses paysages. Ce patrimoine naturel grandiose est d’ailleurs consacré par deux labels : un parc national couvre 40 % de l’île, tandis que l’Unesco a inscrit ses pitons, cirques et remparts sur sa prestigieuse liste. L’une des randonnées les plus populaires pour découvrir ces panoramas fabuleux est l’ascension du Maïdo. Ce belvédère, véritable balcon sur le cirque de Mafate, offre un paysage à couper le souffle où apparaissent les infinies nuances de la végétation réunionnaise. La route pour y accéder depuis la côte propose en outre un aperçu du riche étagement de la végétation. Elle traverse notamment la forêt des Tamarins des Hauts, une formation végétale impressionnante qui n’existe que sur l’île. Le week-end, ce lieu unique est pris d’assaut par les Réunionnais qui y pratiquent le sport national : le pique-nique.

Les plus anciens récits sur La Réunion ont un point commun, ils évoquent une montagne au cœur vert, une île-jardin. Le jardin tient en effet une place prépondérante dans l’art de vivre créole ; plantes comestibles et ornementales s’y mêlent pour créer de luxuriants tableaux. Les multiples plantes et fleurs qui y poussent sont utilisées pour la pharmacopée, assurer la subsistance et bien sûr embellir le cadre de vie.

Le jardin, un patrimoine créole
Autrefois sous-estimé, ce patrimoine singulier tend à s’imposer à la faveur de l’engouement des touristes, mais aussi des îliens qui renouent avec cette tradition, avec une créativité sans limite. Pour valoriser davantage cette richesse, une route des jardins et des musées de l’île est actuellement à l’étude. Ce patrimoine est si intimement lié à l’identité de l’île que l’un des premiers sites protégés au titre des monuments historiques n’est autre qu’un jardin. Le Jardin de l’État à Saint-Denis a été conçu au XVIIIe siècle comme un jardin d’acclimatation, il a depuis perdu sa vocation botanique, mais demeure l’un des lieux de promenade préférés des Dionysiens.

Jadis, la tonalité très végétale de l’actuel chef-lieu du département étonnait ses visiteurs. Si le vert s’est estompé au profit d’une importante urbanisation, le centre-ville n’est pourtant pas encore entièrement minéral. Au détour de petites rues de la ville d’art et d’histoire, on découvre ainsi de jolis jardins encadrant de petites maisons traditionnelles, les bougainvilliers, les bégonias et les fougères dessinant d’élégants écrans de verdure entre les habitations et la rue. Changement d’atmosphère sur la chic rue de Paris qui a conservé ses belles villas néoclassiques. Construites par de grands propriétaires et notables, elles marient des références architecturales européennes à des particularités créoles comme la varangue, une galerie de repos et de réception donnant sur l’incontournable jardin. Davantage organisé, le jardin d’apparat est ici structuré autour de l’allée centrale afin de magnifier la façade. Quelques demeures comme la maison Carrère, l’actuel office du tourisme, offrent encore un bel exemple de cette tradition d’opulents jardins en cœur de ville.

Hell-Bourg, village aux mille jardins
Pour s’immerger totalement dans l’atmosphère verdoyante et fleurie des jardins créoles, il faut se perdre dans les charmants villages de l’île. Celui d’Hell-Bourg, classé parmi les plus beaux villages de France, est l’un des plus dépaysants. Le chemin qui y mène mérite à lui seul le voyage, car il sillonne à travers le splendide cirque de Salazie où les cascades dévalent de vertigineux remparts. Haut lieu de villégiature à la Belle Époque, le village a préservé une architecture remarquable. Plusieurs demeures arborent toujours un élément typiquement réunionnais : le guétali. Ce kiosque bordant la rue permettait d’observer les passants en toute discrétion tout en profitant de la fraîcheur du jardin. Ici, les maisons polychromes et finement ouvragées sont ceintes par des jardins plus exubérants les uns que les autres. Les habitants rivalisent en originalité pour concevoir le plus coloré et le plus parfumé. On y trouve profusion d’ananas, de papayers, géraniums, jasmins, piments, anthuriums, et toutes sortes de bégonias, sans oublier les orchidées dont on dénombre une centaine d’espèces sur l’île. Pour admirer par le menu les plantes phares, une halte s’impose à la maison Folio. Cette belle demeure de la fin du XIXe et son jardin tropical sont emblématiques de l’âge d’or d’Hell-Bourg. Dans ce village, le jardin est une telle institution qu’on le croise aussi dans des lieux inattendus. Avant de quitter ce havre de paix, il faut ainsi absolument visiter un endroit hors du commun : le cimetière paysager. Les plantes et les fleurs directement plantées sur les tombes confèrent au lieu une ambiance inoubliable.

Jardin botanique de La Réunion
Cet ancien domaine s’étendait autrefois de la côte aux montagnes. Le jardin est aujourd’hui dédié à la préservation des habitats naturels de l’île et de sa flore. Il compte sept riches collections végétales qui racontent l’histoire des relations entre l’homme et la nature, et notamment l’introduction de différentes plantes. La collection Réunion, avec 50 espèces endémiques, pour la plupart menacées d’extinction, permet d’imaginer l’apparence de l’île avant l’arrivée de l’homme il y a quatre siècles.
Jardin botanique de La Réunion, 2, rue du Père-Georges, route des Colimaçons, 97436 Saint-Leu, www.cbnm.org

Domaine du Grand Hazier
Protégé au titre des monuments historiques, ce vaste domaine est encore en activité. Avec ses dépendances, son potager, son jardin d’agrément et son généreux verger, il incarne la quintessence de la grande demeure créole de la côte orientale. La maison vient de bénéficier d’une rénovation complète pour son centenaire. Outre son cadre pittoresque, le site est également apprécié pour sa vanilleraie, un atelier artisanal où l’on découvre les étapes d’élaboration de cette épice indissociable de La Réunion.
Domaine du Grand Hazier, 7, allée Chassagne, 97441 Sainte-Suzanne, tél. 02 62 23 07 26.

Domaine du Café grillé
Ce jardin remonte le temps des plantes introduites par les colons aux espèces présentes avant l’arrivée de l’homme. En douze tableaux pédagogiques, le circuit synthétise la biodiversité de l’île. On y découvre pléthore d’arbustes colorés, de fleurs, de lianes odorantes, sans oublier sa palmeraie aux multiples espèces. Mais la vedette est le café, dont l’illustre Bourbon pointu. Cette espèce indigène, qui a failli disparaître, est aujourd’hui considérée par les spécialistes comme l’une des meilleures au monde.
Domaine du Café grillé, 10, allée Cèdres, Pierrefonds, 97410 Saint-Pierre, www.domaine-café-grille-st-pierre.com 

Jardin des parfums et des épices
Premier jardin privé ouvert sur l’île en 1989, ce site est l’un des plus prisés des touristes. Et pour cause. Au sein de la forêt de Mare Longue, sur une coulée volcanique séculaire, il offre une plongée au cœur d’un luxuriant jardin botanique de 3 hectares. Explosion de couleurs et de senteurs, il rassemble des centaines d’espèces de plantes à parfum et à épices qui ont fait la réputation de l’île. Vanille, vétiver, ylang-ylang côtoient des girofliers centenaires ainsi que des plantes endémiques rares.
Jardin des parfums et des épices, 7, chemin Forestier, 97442 Saint-Philippe, www.jardin-parfums-epices.com 

La Réunion des musées

On le sait moins, mais l’île est jalonnée de musées. Le premier établissement réunionnais, le Muséum d’histoire naturelle, a ainsi été créé en 1855 à Saint-Denis. L’édifice néoclassique au cœur du Jardin de l’État abrite une importante collection de la faune actuelle et disparue des îles de l’océan Indien. Ses stars incontestées sont les lémuriens et le dodo. À quelques mètres de là se trouve une autre institution remarquable : le Musée Léon Dierx. Ce musée des beaux-arts a ouvert en 1912 avec un goût prononcé pour l’art moderne. Cette orientation a encore été renforcée par le don en 1947 d’une partie de la collection du célèbre marchand d’art Ambroise Vollard. Cent cinquante-sept pièces signées Caillebotte, Picasso ou encore Cézanne voisinent ainsi avec des œuvres d’artistes réunionnais comme Le Roy ou Roussin. Le territoire compte d’autres institutions dédiées à l’histoire de l’île comme le Musée de Villèle, ainsi que des lieux atypiques, à l’image du Musée du sel, installé dans un cadre de rêve face à l’océan.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°680 du 1 juin 2015, avec le titre suivant : La Réunion, l’île aux parfums d’éden

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