Le Touquet Paris Plage (62)

Buffet, à l’épreuve

Musée du Touquet Jusqu’au 31 mai 2015

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 15 avril 2015 - 474 mots

S’il est coutume de critiquer Bernard Buffet, les opportunités de voir ses peintures sont finalement assez rares.

L’occasion nous est donnée par le Musée du Touquet qui programme actuellement une monographie du peintre, l’une des plus importantes programmées en France ces dernières années. Sous la houlette du critique d’art Henry Périer (qui fut le commissaire des expositions au Musée Paul Valéry à Sète en 2003 et à la Vieille Charité à Marseille en 2009) et du Fonds de dotation Bernard Buffet créé par Maurice et Ida Garnier en vue d’ouvrir un jour un musée dédié au peintre, le musée touquettois n’a pas opté pour la facilité. Il a en effet choisi d’accrocher une cinquantaine de toiles peintes après 1958. Or, cette période, qui couvre quarante et une années de production, de la généralisation de la couleur jusqu’au suicide du peintre le 4 octobre 1999 – Buffet souffrait de la maladie de Parkinson –, est souvent considérée comme la moins intéressante de Buffet. Ce contre quoi s’insurge Henry Périer : « Car qui, interroge le critique, a déjà vu une exposition Buffet des œuvres d’après 1958 ? » Sans doute pas grand monde il est vrai, aucun musée n’ayant pris le risque d’une telle exposition. « Pourtant, poursuit Périer, il y a beaucoup de chefs-d’œuvre après 1958 ! » Vérification au Musée du Touquet : admettre qu’il y a beaucoup de chefs-d’œuvre serait exagéré, mais il y en a, c’est vrai. Le parcours commence avec une toile de 1953, Intérieurs, Le couple, afin de démontrer qu’après 1958 « Buffet n’a rien perdu de sa fièvre créatrice ». Il se poursuit de manière quasi chronologique jusqu’à Tempête en Bretagne (1999), dernier tableau peint par l’artiste. Entre les deux se déroule, dans l’ancienne demeure bourgeoise des années 1920 devenue musée, une symphonie dissonante de thèmes : portraits, autoportraits, belles automobiles, nus, natures mortes, paysages… Certains tableaux sont franchement anecdotiques (L’Automobile, Morgan, 1950), d’autres, comme le Général d’Empire (1961), méritaient carrément d’être écartés. Mais quelques toiles se révèlent hypnotiques, à l’instar du Crapaud (1963) ou de La Leçon d’anatomie d’après Rembrandt (1968). Il faut d’ailleurs s’approcher de ce dernier pour comprendre combien Buffet vivait la peinture : le cadavre traité en empâtement à la manière d’un Soutine, les visages des médecins peints en aplats, les grands coups de pinceau et leurs éclaboussures qui ne manquent pas d’évoquer Georges Mathieu, son contemporain. À l’étage, c’est en revanche un pommier en fleurs qui retient l’attention. Celui-ci  est traité dans un style inhabituel pour le peintre, proche de l’abstraction. Il faut se frayer un chemin jusqu’à l’œuvre parmi les visiteurs venus nombreux au musée « voir » Buffet. Et se rappeler, comme l’écrivait Claude Roger-Marx dans Le Figaro en 1967, que « chaque exposition de Bernard Buffet est une bataille ». Près de cinquante ans plus tard, cela reste toujours vrai.

« Bernard Buffet, Post 1958 : une symphonie de couleur en plus »

Musée du Touquet, avenue du Golf, Le Touquet-Paris-Plage (62)
www.letouquet-musee.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°679 du 1 mai 2015, avec le titre suivant : Buffet, à l’épreuve

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