Voutch, la plume et le pinceau

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 18 février 2015 - 344 mots

La politique et la religion ne sont pas, Dieu soit loué, les seuls thèmes abordés par la satire dessinée. Il en est d’autres, tout aussi passionnants, inspirés par nos pathétiques existences.

Voutch le prouve en dressant un des miroirs cruels – mais drôles – de notre époque ultralibérale. Les lecteurs de Lui, Télérama, Lire, Le Point, Playboy, Psychologies et Madame Figaro connaissent forcément le fameux illustrateur qui officie dans la presse et dans ses recueils thématiques depuis 1995. Dessiner, c’est choisir. Voutch est, avant tout, au service de son idée. C’est elle, par sa pertinence, longuement mûrie, qui convoque le casting, le décor et les accessoires. Et même l’ambiance colorée. Éléments essentiels pour consolider le propos et servir la mise en scène. L’excellent coloriste prend le temps d’attaquer à la gouache, d’abord via des essais de la taille d’un timbre postal avant d’envisager le format A4, avec la succession de couches superposées, en général sur quatre à cinq jours. Le temps ne supporte pas ce qui se fait sans lui. Et toujours avec une virtuosité qui confine au génie, tant la lumière et la couleur de ses images, au style toujours incroyablement cohérent,  sonnent juste. D’abord esthétiquement, puisqu’elles posent dès le premier regard une ambiance singulière, nuancée, riche mais sans excès, qui crédibilise la scène, glauque, acide ou décalée. Puis vient le coup de grâce avec la légende, écrite avec autant de soin littéraire que de férocité. Voutch, ex-créatif dans la publicité, n’oublie pas les psychopathes qu’il y a rencontrés. Il raille aussi les chefs d’entreprises misanthropes, les cadres esseulés, les couples désabusés, les bourgeois narcissiques, les médecins cyniques. Tous, totalement dépassés par leur époque absurde et son corollaire de technologies asservissantes, d’ultra-consommation et de violence sociales. Tous représentés avec de longs nez épais vissés sur des silhouettes filiformes. Tous cruels, loufoques, tragi-comiques. Ironie, tendresse, poésie. L’expression artistique comme catharsis. Évidemment. Car en découle une philosophie avec des saynètes salvatrices, qui nous aident à mieux digérer, par la puissance de l’humour qu’elles déploient, l’inexorable folie de notre quotidien. Indispensable comme une bible, osera-t-on dire.

Voutch, Chaque jour est une fête, Éditions du Cherche midi, 112 p., 34 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°677 du 1 mars 2015, avec le titre suivant : Voutch, la plume et le pinceau

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