Nouvelles technologies

Le dessin et les nouvelles technologies

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 17 février 2015 - 783 mots

Sans papier, sans crayon, voire invisible… Avec les nouvelles technologies, le dessin contemporain se renouvelle profondément.

Le dessin, une œuvre sur papier ? A priori oui. Mais au salon Drawing Now, rendez-vous incontournable des amateurs de dessin contemporain qui se tient à Paris cette année du 25 au 29 mars, vous voici – aussi – face à des écrans. Et pourquoi pas ? « La médiation d’un doigt ou d’un stylet sur un écran tactile ou une souris dirigée par la main font intervenir une sensation tactile très proche du dessin au crayon, et les résultats sont tout aussi immédiats. Ces nouvelles technologies ont pris une telle importance dans notre univers qu’elles appartiennent de plus en plus à notre façon d’appréhender et de comprendre le monde », explique Brett Littman, directeur exécutif du Drawing Center New York, auquel Drawing Now réserve chaque année un espace dans la foire.

Dessins ou installations vidéos
Il n’empêche. Si les artistes contemporains, qui ne se cantonnent plus à un médium particulier, expérimentent le champ ouvert par les nouvelles technologies – à l’instar de David Hockney, qui dessine désormais sur iPad –, « ce territoire reste toujours expérimental et a encore peu pénétré le marché », commente Philippe Piguet, directeur artistique de la foire et collaborateur de L’Œil. De fait, il bouleverse la notion classique de dessin. « Désormais, un dessin se fait avec ou sans crayon, avec ou sans papier… Nous le définissons comme un travail sur le trait et la ligne », explique Yves Lecointre, directeur du Frac Picardie spécialisé dans « les mondes dessinés ». Car, si les acquisitions du Frac Picardie portent essentiellement sur des œuvres sur papier, la collection comporte quelques pièces à la limite de l’installation et de la vidéo. Ainsi, les Native Movies, de Pascal Convert, pour lesquels l’artiste a filmé les dessins de sa fille, retraités de façon à individualiser chaque trait, dans la chronologie du dessin et sa vitesse d’exécution. Les vues en trois dimensions ainsi générées sont projetées dans une sorte de boîte dans laquelle pénètre le visiteur, soudain immergé dans le dessin en train de se faire.

S’agit-il encore de dessins ou d’installations vidéos ? Sans aucun doute, la dernière alternative. Ainsi, l’artiste sud-africain William Kentridge a pour spécificité de réaliser des dessins successifs au fusain sur la même feuille, afin de les animer dans ses vidéos. « Quand j’ai commencé à faire de l’animation, je faisais déjà des dessins. Ce n’était pas une nouvelle technique d’animation, c’était la même technique du dessin. Elle lui permettait simplement d’évoluer et de se développer. [Le dessin] est un médium qui suggère la narration », a-t-il expliqué à l’occasion de son exposition au Jeu de paume en 2010. 

Car, ce que pointent soudain les nouvelles technologies, c’est à la fois le champ des possibles ouvert par les logiciels et le rapport du dessin à l’expérience du temps. « Le dessin vidéo s’enracine sans doute dans les années 1920, quand les premiers animateurs d’images comprennent que la reproduction mécanique d’images sur celluloïd peuvent créer des dessins qui s’animent. Puis, dans les années 1960 et 1970, des mathématiciens comme Mandelbrot ont “dessiné” des fractales en utilisant des équations. Et, plus tard, des architectes comme Peter Eisenman, Frank Gehry et Greg Lynn ont commencé à explorer des formes nouvelles qui ne pouvaient être produites qu’avec de nouveaux logiciels puissants comme Autocad », raconte Brett Littman, qui a réussi à faire du Drawing Center New York l’un des lieux les plus en pointe dans le dessin réalisé par les nouvelles technologies et qui a mis en ligne sur son site une galerie de dessins vidéo en ligne.

L’une des pratiques de dessin les plus innovantes est cependant probablement française. Michel Paysant, artiste et professeur de dessin d’observation, a mis au point en collaboration avec des laboratoires de recherche une technique de dessin… avec les yeux. Une paire de lunettes munie de caméras – un « eye tracker » – permet d’enregistrer le parcours de l’œil. « Je vectorise ensuite les données chiffrées pour produire un dessin numérique », explique Michel Paysant. « On arrive ainsi à quantifier et qualifier l’observation », poursuit l’artiste, qui a ainsi exercé son œil à mieux regarder et se représenter des images, jusqu’à exécuter des dessins de mémoire et des images mentales. Et ce n’est pas tout : en partenariat avec le Louvre et le CNRS, il a réalisé, à partir des œuvres du département des Antiquités orientales du musée, des dessins invisibles à l’œil nu n’apparaissant qu’au microscope… « Il s’agit d’un vrai travail de recherche, passionnant et novateur, qui brise les tabous… Mais il est plus facile de vendre un dessin classique ! », reconnaît Michel Paysant. 

Drawing Now, du 25 au 29 mars 2015 à Paris : www.drawingnowparis.com

Drawing Center New York www.drawingcenter.org

Michel Paysant www.michelpaysant.fr

Frac Picardie www.frac-picardie.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°677 du 1 mars 2015, avec le titre suivant : Le dessin et les nouvelles technologies

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