Paris-16e

Agapes des antipodes

Musée Dapper, jusqu'au 12 juillet 2015

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · L'ŒIL

Le 22 janvier 2015 - 314 mots

« Montre-moi ce que tu manges, et je te dirai qui tu es », semblent nous dire les cuillères, jarres, pots, statues et porteuses d’offrandes rassemblés au Musée Dapper, à Paris.

Loin d’être anecdotique, manger est en effet un acte social qui inscrit l’individu au sein du groupe, selon des rituels et des codes précis. En outre, l’art de la table stimule l’imaginaire des peuples, engendrant des langages esthétiques d’une inventivité inouïe, comme le montrent les magnifiques pièces sélectionnées par Christiane Falgayrettes-Leveau et Anne Van Cutsem-Vanderstraete, les deux commissaires de l’exposition. Découvrant des affinités entre des pratiques venues d’Afrique, d’Océanie, d’Indonésie et des Philippines, le visiteur déambule ainsi avec gourmandise entre ces bols ventrus ou ces plats géants qui disent le plaisir du partage lors des banquets accompagnant les mariages. Chez bien des peuples, la consommation de viande ou de poisson demeure exceptionnelle, aussi bien des gestes propitiatoires entourent le départ à la pêche ou à la chasse. L’exposition montre ainsi un extraordinaire assommoir à porcs mélanésien prêté par le Museum Rietberg de Zurich : les populations de l’archipel du Vanuatu n’hésitent pas en effet à abattre une centaine de bêtes en vue de leurs gigantesques festins !

Denrée indispensable dans maints endroits d’Afrique et d’Asie, le riz est parfois même hissé au rang de divinité protectrice, comme chez les Ifugao des Philippines. Les Baga de Guinée organisent, quant à eux, de spectaculaires festivités en son honneur : c’est à cette occasion que sort leur fameux masque d’épaule nimba dont le profil busqué allait tant séduire Picasso… Sans tabou, l’exposition évoque enfin la consommation de chair humaine chez certains peuples d’Océanie. Loin d’être un acte « barbare », cette pratique – interdite de nos jours – permettait d’incorporer la force vitale d’un ancêtre, d’un esclave ou d’un ennemi. Au-delà de son aspect utilitaire, on admirera ainsi cette fourchette des îles Fidji, d’un design irréprochable…

« L’Art de manger, rites et traditions », Musée Dapper, 35 bis, rue Paul-Valéry Paris-16e, www.dapper.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°676 du 1 février 2015, avec le titre suivant : Agapes des antipodes

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