Roubaix (59)

Camille Claudel si grande, si rare

La Piscine, Musée d’art et d’industrie André Diligent, jusqu’au 8 février 2015

Par Lina Mistretta · L'ŒIL

Le 17 décembre 2014 - 446 mots

À propos de son art, Camille Claudel (1864-1943) déclarait « qu’il était plutôt fait pour les grandes barbes et les vilaines poires », prophétisant ainsi que la reconnaissance, de la femme et de la sculptrice, était loin d’être acquise : depuis sa disparition, trois expositions monographiques seulement lui ont été dédiées.

Pour le cent cinquantième anniversaire de sa naissance, La Piscine lui offre enfin une vraie rétrospective à travers une pléiade d’œuvres importantes. Plus de cent cinquante, émanant des plus grandes collections internationales publiques et privées, pour raconter la carrière d’une artiste exceptionnelle dont l’œuvre se confond avec le déroulé de sa vie. Le parcours de l’exposition suit une logique chronologique et thématique et met en perspective les créations de Claudel avec certaines de ses sources ou avec des créations de ses contemporains proches dans le sujet ou le style. Il s’ouvre sur une création précoce, La Vieille Hélène, buste puissant et singulier qui impose sa modernité à ses contemporains : Pompon, Dampt et Alfred Boucher. En 1880, l’arrivée de Claudel dans l’atelier et la vie de Rodin va marquer l’un et l’autre artiste. Dès lors, commence entre eux un travail fusionnel rendant parfois leurs créations si semblables que l’on ne sait, qui, du maître ou de l’élève, a inspiré ou copié l’autre. Femme accroupie, première sculpture professionnelle de Claudel, est à relier à l’œuvre célèbre de Rodin du même nom. Certains rapprochements sont parfois troublants : Jeune Fille à la gerbe appartient bien à Claudel, mais fut réactualisée par Rodin pour sa Galatée. Cette main modelée par Claudel pour Les Bourgeois de Calais  devient de façon antinomique celle, pleine de vie, du danseur de La Valse. Et certaines œuvres se retrouvent du côté qui n’est pas le leur : ainsi du buste Giganti attribué à Rodin et qui est en réalité de Claudel. Avec La Valse, symbolisant l’étreinte passionnée et L’Âge mûr, racontant l’inéluctable séparation, Claudel s’éloigne de Rodin. Avec les bustes de son frère Paul, représenté à des âges différents, Camille Claudel adhère au modèle néo-florentin dont l’épreuve la plus marquante, Mon frère, se confronte de façon étonnante au Saint Jean-Baptiste enfant de Mino da Fiesole, prêté exceptionnellement par le Musée des beaux-arts de Lyon. Dans la suite d’une lecture du monde de l’enfance,  La Petite Châtelaine, icône des collections de La Piscine, chef-d’œuvre « à la tête déjà trop puissante, déjà trop vivante », offre plusieurs versions dont celle, époustouflante, qui associe l’effet saisissant de sa chevelure et le creusement du marbre pour le rendre translucide. Avec la terrible Clotho, vieillarde décharnée à la crinière expressionniste, Claudel aborde le thème de la solitude et de la vieillesse, prophétie autobiographique de son destin tragique.

« Camille Claudel, Au miroir d’un Art Nouveau »

La Piscine, Musée d’art et d’industrie André Diligent, 23, rue de l’Espérance, Roubaix (59), www.roubaix-lapiscine.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°675 du 1 janvier 2015, avec le titre suivant : Camille Claudel si grande, si rare

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