Quadrature du cercle

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 16 décembre 2014 - 668 mots

Quadrature - Décidément, Paris a des problèmes avec son architecture. De la tour Eiffel à la Fondation Louis Vuitton de Frank Gehry, en passant par le projet de future Samaritaine par l’agence Sanaa, on ne compte plus le nombre de bâtiments qui ont été l’objet de polémiques, pour ne pas dire de conflits. Pas un édifice parisien ne semble avoir été épargné par les vents violents de la controverse ; que l’on se souvienne du Centre Pompidou de Piano et Rogers, de la Pyramide du Louvre de Pei ou de la Bibliothèque nationale de France de Perrault. À croire, même, que plus le débat est animé, plus le bâtiment a de chances de marquer sa ville et son époque ! À ce compte-là, la tour Triangle d’Herzog & de Meuron, si elle est un jour construite, pourrait bien devenir l’édifice le plus marquant du début du XXIe siècle, tant le débat par tribunes interposées est houleux. Faut-il s’en réjouir ? Pas dans l’état actuel du projet. En dépit de basses manœuvres lors du vote du Conseil de Paris qui n’élèvent pas le niveau de la politique, le rejet du projet a été une bonne chose : non pas pour le manque supposé de qualités plastiques de la tour Triangle, ni même pour son excès de gigantisme – 180 m de hauteur. Mais parce que, en 2014, on ne devrait plus construire de bâtiment aussi emblématique sans réfléchir, s’agissant d’une tour de 80 000 m2 de bureaux et de commerces, aux formes de l’économie, du travail et des loisirs de demain, aux services du futur, à la prise en compte du numérique, à un projet qui soit tout à la fois écologique, social et culturel, etc. Les architectes ont aujourd’hui une autre responsabilité que de seulement faire œuvre, et les seuls arguments de la beauté et de l’ascenseur diagonal offrant aux visiteurs une expérience unique des sommets de Paris sont désormais dépassés. Sauf à vouloir édifier une nouvelle tour Montparnasse dont les Parisiens subissent encore, quarante-deux ans après son inauguration, le traumatisme ! Quant aux 550 millions d’euros investis qui seraient à la fois maîtrisés et sans effet sur les comptes de la Ville, c’est tout simplement une plaisanterie, comme le montre l’enquête que nous publions ce mois-ci sur les dérives financières des grands équipements architecturaux… Le retoquage de la tour Triangle est une bonne chose, car il est d’abord une chance. Une chance pour les architectes suisses de revoir leur copie et, pour Paris, de penser l’architecture de demain.

Du cercle - Le Wharf à Hérouville-Saint-Clair, le Cac à Brétigny-sur-Orge, Les Églises à Chelles, le Quartier à Quimper, La Panacée à Montpellier, le Lieu-commun à Toulouse, Le Forum au Blanc-Mesnil… Le nombre de centres d’art en danger à la fin de l’année 2014 est doublement révélateur. Il est d’abord révélateur de la fragilité de ces structures dédiées aux arts plastiques. Difficile de blâmer les élus locaux et même l’État à travers les Drac au moment où il faut faire des choix dans un contexte de crise économique – et de crise de société –, mais force est de constater que le moindre gravillon dans la chaussure d’un centre d’art (baisse de subvention, arrêt du conventionnement…) est synonyme, pour lui, de fermeture. Il est ensuite révélateur de la diversité de ces structures et de leur dépendance à un contexte politique. Les changements de municipalités intervenus lors des dernières  élections de 2014 rappellent que ces structures sont parfois les otages de responsables ou de groupes à de seules fins électorales et que rien, ni le succès ni l’exigence d’une programmation, ne saurait garantir leur pérennité. Bien sûr, il n’y a pas lieu de s’insurger contre l’évaluation des centres d’art ou contre leur nécessaire remise en question ; rien ne serait plus sclérosant pour la culture. Mais cette dernière doit-elle dépendre du seul politique quand celui-ci nous montre, chaque jour un peu plus, ses limites ?

Je vous souhaite, chers lectrices et lecteurs passionnés, une excellente année pleine d’art et de culture.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°675 du 1 janvier 2015, avec le titre suivant : Quadrature du cercle

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