Pouf de rire

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 17 novembre 2014 - 536 mots

Ce projet est parti d’un gag. « Maurizio, Pierpaolo, nous ne nous sentons plus de continuer, qu’est-ce qu’on peut faire ? » La réponse fuse : « Dans ce cas, enterrez-vous ! » « Vous avez raison : écrivez notre épitaphe ! ».

Cette vraie-fausse conversation entre la firme de mobilier transalpine Gufram et les deux fondateurs du provocateur magazine Toilet Paper, l’artiste italien Maurizio Cattelan et son compatriote photographe Pierpaolo Ferrari, leur a en quelque sorte servi de briefing pour l’élaboration d’une nouvelle collection de meubles. Depuis les années 1970, Gufram se fait un malin plaisir de concevoir des projets rigolos, à la fois insolites et ironiques, avec un matériau non moins singulier : le polyuréthane expansé. On se souvient, entre autres, des canapé Bouche (Studio 65, 1970) et portemanteau Cactus (Guido Drocco & Franco Mello, 1972), sans oublier le mythique fauteuil Pratone imaginé en 1972 par le trio Ceretti/Derossi/Rosso, étrange « carré » d’herbes folles dans lequel les usagers plongent aujourd’hui encore avec délice.Rebelote cette année avec Cattelan et Ferrari ! C’est un enterrement de première classe – heureusement fictif – auquel a eu droit Gufram, les deux compères ayant, entre autres pièces, réalisé un pouf en forme de pierre tombale baptisé… The End. Cattelan et Ferrari se sont, en tout cas, bien amusés : « Personne n’a jamais vraiment compris la mission de cette entreprise de mobilier et tout le monde a critiqué l’ambiguïté de ses assises qui ne sont pas vraiment des sculptures, puisque, au final, elles conservent leur fonction latente » , se moquent-ils. En outre, il y avait trop de personnes envieuses maudissant l’incompréhension de certains produits qui, après tout, ressemblent à des bimbeloteries géantes. Et que dire de cette foule d’amateurs de scandales qui les regardaient toujours de travers, les accusant de divulguer le vocable mauvais et blasphématoire d’« anti-design » ?  Le résultat ne s’est pas fait attendre, avec ce pouf-sépulture d’un poids de 3 kg, habillé d’une finition texture granit. « Comme un fait de résistance final, vous pouvez être assis sur la pierre tombale comme sur un tabouret, explique le tandem. Ou vous pouvez la jeter comme un caillou contre ceux qui ont péché, bien que, dans ce cas, vous ne les blesseriez point, car elle est faite de mousse de polyuréthane douce et si bien décorée que vous ne remarquerez même pas que c’est du faux granit. » Ci-gît désormais… un auguste séant.

A savoir

L’artiste Maurizio Cattelan et le photographe Pierpaolo Ferrari ont fondé le magazine Toilet Paper en 2010. Mi-livre d’artiste, mi-magazine, il « interroge notre obsession contemporaine pour les images en explorant nos désirs et pulsions les plus indicibles ».

A voir

Fondé à Turin en 1966, et très inspiré par le pop art, le fabricant de mobilier Gufram édite cette année trois pièces du duo Toilet Paper : le pouf Soap, en forme de savonnette géante, la patère God qui adjoint au portemanteau Cactus deux poufs en forme d’œufs géants – une fois disposés de part et d’autre dudit cactus, ils évoquent une image on ne peut plus phallique – et, enfin, ce pouf The End (dimensions : 36 x 22 x 60 cm, édition limitée à 1 000 exemplaires, prix : 350 €).

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°674 du 1 décembre 2014, avec le titre suivant : Pouf de rire

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