Société

Nicole Pot

Quelle égalité homme-femme ?

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 22 septembre 2014 - 682 mots

PARIS

Quelle est la mission de l’Observatoire de l’égalité femmes-hommes ?
Nicole Pot : L’Observatoire n’est pas un service mais un document statistique. Quand le gouvernement s’est mis en place en 2012, il a été demandé à chaque ministre de présenter un programme de travail. Au ministère de la Culture et de la Communication, la première décision a été de créer un observatoire, pour faire apparaître de façon précise la situation des femmes dans l’administration du ministère comme au sein des institutions culturelles et dans les médias publics. Ce document présente un état des lieux qui met en évidence la sous-représentation des femmes aux postes de responsabilité ainsi que les fortes inégalités dans l’accès aux moyens de production et dans les programmations. L’objectif de l’observatoire est double : d’une part provoquer la prise de conscience et mobiliser en rendant visible l’invisible, d’autre part mesurer les évolutions, puisqu’il est actualisé tous les ans. La première année nous avons essentiellement travaillé sur l’aspect création et communication et, en 2014, nous avons abordé davantage la sphère patrimoniale.

Comment ces observations se traduisent-elles dans la politique ministérielle ?
Un certain nombre de mesures incitatives ont été décidées par Aurélie Filippetti [qui a démissionné du gouvernement le 26 août dernier]. Au fur et à mesure du renouvellement des différents contrats liant le ministère aux institutions culturelles et aux médias publics, des clauses de promotion de l’égalité (nominations aux postes de responsabilité, accès aux moyens de production) sont introduites. La ministre a, dès février 2013, adressé un courrier à quelque 270 dirigeants pour les inciter à programmer davantage de femmes créatrices. Par ailleurs, à sa demande, des chartes pour l’égalité vont être signées avec les institutions dans tous les secteurs, ce qui a été fait avec Universcience : elles comporteront des engagements tant sur le plan de la gestion interne qu’à l’égard du public, afin de défaire les stéréotypes réducteurs ou erronés, axe essentiel de notre politique. Ces objectifs sont débattus avec les responsables des institutions, dans un esprit volontariste. L’autre grand volet concerne les nominations. Nous avons établi l’égalité dans les nominations des directeurs régionaux des affaires culturelles : depuis un an et demi autant de femmes que d’hommes ont été nommées. C’est absolument nouveau et cela a pu, au début, susciter quelques réticences : on a parfois tendance à exiger des femmes des expériences professionnelles qu’on ne demande pas aux hommes. L’action
de la ministre a également été très volontariste pour le spectacle vivant et les arts plastiques. En 2013, elle a adressé une circulaire aux préfets afin que les commissions pour les recrutements et les short lists soient paritaires. Cela a donné lieu à un mouvement très conséquent de nominations de femmes, dont les candidatures ont été beaucoup plus nombreuses, et les nominations sont quasiment à égalité depuis dix-huit mois.

Cette circulaire a été critiquée, rencontrez-vous des résistances dans votre mission ?
En effet, à la suite de cette circulaire, quelques articles virulents ont été publiés. On observe bien sûr des résistances, tous les secteurs du ministère ne se sont pas emparés du sujet avec la même volonté. Du côté de l’audiovisuel, il y a de vraies avancées, notamment avec le vote de la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes qui renforce les prérogatives du CSA. Il y a encore beaucoup à faire, car le constat reste assez radical, mais je crois que le sujet fait aujourd’hui l’objet d’un mouvement de fond.

Repères

Haut fonctionnaire, Nicole Pot a précédemment dirigé plusieurs établissements publics dont la Cité des sciences et de l’industrie et l’Institut national de recherches archéologiques préventives.

L'observatoire
Il mesure l’évolution de la place des femmes dans la sphère culturelle au niveau des nominations aux postes de responsabilité, de la programmation, de l’accès aux moyens de production mais aussi des rémunérations.

-20%
C’est l’écart de salaire horaire entre femmes et hommes dans les entreprises culturelles.

« Le monde de la culture est un véritable bastion des inégalités entre les femmes et les hommes, pour ne pas dire un empire de la confiscation masculine du pouvoir. » Najat Vallaud-Belkacem, Libération, 12 août 2013.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°672 du 1 octobre 2014, avec le titre suivant : Quelle égalité homme-femme ?

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